Littérature étrangère

Gonçalo M. Tavares

Une jeune fille perdue dans le siècle à la recherche de son père

illustration

Chronique de Marie Michaud

Librairie Gibert Joseph (Poitiers)

Marius est un homme qui fuit (saura-t-on jamais quoi ?) et Hanna une jeune fille qui cherche son père (saura-t-on jamais où et pourquoi il a disparu ?). Laissez-vous entraîner dans les pas de leur improbable duo.

Marius aurait pu passer son chemin mais le visage d’Hanna l’a conduit vers elle. Un visage caractéristique, marqué par un handicap. Une adolescente de quatorze ans avec pour tout bagage la boîte de fiches visant à structurer l’apprentissage des personnes handicapées mentales. Une adolescente à la recherche de son père. Les voilà donc partis sur les routes, dans les gares, dans les chambres d’hôtel. Leurs aventures sont surtout faites de rencontres avec des personnages étranges et fascinants, comme cet hôtelier dont le dos est tatoué du mot « juif » dans toutes les langues, cet antiquaire qui perpétue la tradition familiale d’énumération des nombres pairs, ce vieil homme qui a allégé sa vie des objets superflus pour s’enfuir plus vite en cas de besoin ou cet artiste à l’œil rouge, ciselant des œuvres minuscules et indéchiffrables sans microscope. Il en est un enfin qui conçoit des affiches préparant silencieusement à une future révolution, pensant qu’il s’agit d’abord de faire en sorte que les passants (ou les lecteurs) « ne restent pas immobiles mentalement ». Chaque rencontre semble introduire de nombreuses réflexions autour du temps, de l’Histoire, de l’inaptitude, de la vérité, du mensonge et de la mémoire. Gonçalo M. Tavares est de ces écrivains qui nous enchantent autant que leurs histoires nous déroutent. Ou parce qu’elles nous déroutent. Ce nouveau roman ne fait pas exception et notre errance avec les personnages nous laisse comme étourdis quand le livre se referme. Mais un étourdissement heureux, avec la sensation fugace et fuyante d’entrevoir un instant le sens profond de la fable qui, l’instant d’après, s’est déjà évanouie. Simplement brillant !

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