Littérature étrangère

John Steinbeck

Romans

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Chronique de Marie Michaud

Librairie Gibert Joseph (Poitiers)

Entre les pages des romans de John Steinbeck, c’est une certaine histoire des États-Unis qui s’écrit. Des soubresauts du rêve américain et de leurs conséquences sur les gens simples. (Re)découverte de quatre romans d’un géant de la littérature américaine grâce à la prestigieuse Bibliothèque de la Pléiade.

J’ai découvert Steinbeck à une époque où les romans m’emportaient simplement dans d’autres mondes que le mien – et c’était déjà tellement. En ce temps-là, j’avais dévoré une bonne partie de ses seize romans mais je ne m’étais pas interrogée sur leur place et celle de leur auteur dans la littérature américaine. En abordant ce nouveau volume de la Bibliothèque de la Pléiade, ce furent donc d’heureuses retrouvailles avec des textes dont la force intrinsèque les rend inoubliables, en même temps qu’une lecture tout à fait renouvelée grâce de nouvelles traductions (ou des révisions avisées) mais surtout grâce à une perspective enrichie par des apports critiques éclairants et passionnants. Voici donc En un combat douteux (1936), Des souris et des hommes (1937), Les Raisins de la colère (1939) et À l’est d’Eden (1952). Peut-être n’est-il pas utile de rappeler le sujet de chacun des romans, simplement souligner qu’ils ont tous pour épicentre la Californie agricole et pour enjeu commun la manière dont les fermiers pauvres, souvent journaliers, tentent de survivre et de trouver un peu de justice et de bonheur au sein d’un monde âpre où rien ne semble fait pour eux. La force des romans de Steinbeck tient notamment à ce qu’il dépeint un monde et des personnages qu’il a finement et longuement observés, écoutés et qu’il les donne à voir aux lecteurs sans commentaires ni leçons : à chacun de comprendre la dure réalité de ces gens dont les combats n’ont pas toujours de règles et dont les mots heurtent parfois les sensibilités. L’introduction de Marie-Christine Lemardeley-Cunci nous invite à nous méfier de la tentation de ne voir dans les romans de Steinbeck qu’un « simple compte rendu de la situation économique des États-Unis dans les années 1930 » et à y déceler, au contraire des réflexions plus universelles comme « la réaction de l’individu à la pression du groupe », « la faculté que possède l’homme de choisir son propre destin » et l’intérêt supérieur de l’écrivain pour l’humain au-delà même de ses combats. Héritier de Mark Twain ou de Walt Whitman, Steinbeck questionne donc les relations humaines mais aussi le rapport entre l’Homme et la Nature dans une langue qui est le reflet de ceux dont elle raconte l’histoire. Et l’introduction de se conclure ainsi : « Chantre de la révolte et du soulèvement, Steinbeck, loin de détruire le rêve américain, prône la quête d’un bonheur débarrassé du mythe du progrès et enraciné dans l’idée de liberté, condition suprême de la vie ». À lire et à relire.

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