Littérature étrangère

Maggie O'Farrell

Hamnet

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Chronique de Marie Michaud

Librairie Gibert Joseph (Poitiers)

Stratford, 1596. La peste frappe. Parmi les familles touchées, celle d’un homme qui se pique de théâtre et connaît un certain succès à Londres. Après la mort de son fils, il transfigurera son deuil en une pièce exceptionnelle : Hamlet.

Si Maggie O’Farrell s’intéresse à la famille de William Shakespeare, c’est sûrement autant pour la figure mythique et toujours mystérieuse du dramaturge que pour ce qu’elle a d’universel. En effet, alors que Hamnet cherche désespérément un médecin pour soigner sa sœur jumelle Judith, alors qu’Agnes, leur mère, tente tout pour sauver son enfant des griffes de la mort, alors que leur père est absent parce qu’il a fait le choix d’essayer de vivre, alors que le deuil ne parvient qu’à exacerber les difficultés, les blessures et les non-dits qui marquent la vie de la famille, c’est aussi bien de cette famille que de toutes les familles dont il est question. Par ailleurs, c’est moins à la figure de William qu’à celle de son épouse que le roman s’intéresse. Cette Agnes et sa lignée de femmes qui soignent, de femmes puissantes, recherchées autant que redoutées par les voisins, celle qui apportera un nouvel équilibre au sein de la famille du gantier déchu et ancrera sa vie dans la nature et ses mystères. Dans Hamnet, les lecteurs retrouveront tout ce qu’ils ont aimé dans les précédents romans de Maggy O’Farrell : une plongée incarnée dans une époque historique, une alternance d’angles et de temporalités qui permet de mieux comprendre l’histoire de cette famille, une réflexion sur la place des femmes dans la société anglaise de la fin du XVIe siècle, un regard sensible sur les relations familiales, le deuil et la création. Hamnet nous touche parce qu’il met en scène la mort d’un enfant, parce qu’il nous plonge dans le deuil d’une famille mais aussi parce qu’il est empreint d’un élan vital qui dépasse tout et que ce souffle deviendra un chef-d’œuvre de la littérature. Parce qu’il est un hommage au pouvoir cathartique des mots.

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