Littérature française

Jean Ray

Malpertuis

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Chronique de Marie Michaud

Librairie Gibert Joseph (Poitiers)

« Demeure maudite », « prison mouvante de ténèbres » : telle est Malpertuis, et bien pire encore. Au fil des pages, cette maison de maître menace, inquiète puis terrorise ses habitants, et le lecteur avec eux.

Ce printemps, la collection « Jean Ray » des éditions Alma s’enrichit de deux nouveaux volumes (elle en comptera dix au total, publiés entre 2016 et 2018) : les « récits d’épouvante » des recueils Le Grand Nocturne et Les Cercles de l’épouvante, et surtout son roman le plus connu : Malpertuis. L’occasion pour de nombreux lecteurs de (re)découvrir les textes du « maître des effrayants vertiges ». Arnaud Huftier, maître de conférences et directeur de la collection, le place dans la lignée d’Hoffmann, Poe ou Lovecraft, et le définit comme « un ciseleur de cauchemars dont chaque livre est un bréviaire de la peur, une invitation aux délires et un toast à la terreur ». On ne saurait mieux dire. Et Malpertuis est bien la quintessence de cette œuvre troublante qui joue avec nos peurs les plus profondes et les croyances les plus universelles. Ce roman n’aurait pu être qu’une banale affaire d’héritage si ce n’est que le vieil oncle mourant le complique sardoniquement d’une clause incontournable : pour espérer bénéficier de cette fortune « si fantastique […] tout le monde […] habitera et continuera de vivre sous ce toit ». Et ils sont nombreux les héritiers potentiels : le jeune Jean-Jacques Grandsire, l’oncle Dideloo, son épouse et sa fille Euryale, les époux Griboin, les dames Cormélon, le cousin Philarète, Mathias Krook… Malgré l’aversion et la peur de vivre tous ensemble au cœur de Malpertuis, ainsi soit-il… et l’horreur peut commencer. Car Malpertuis est pleine de « choses cachées » qui vont peu à peu faire basculer les personnages (et peut-être les lecteurs) dans les « gouffres de la folie » et de l’angoisse. À moins qu’il n’y ait une explication à tous ces phénomènes étranges et aux créatures masquées aux yeux du commun des mortels… Une œuvre à relire, de préférence en pleine lumière, un jour d’été, pour en limiter les effets horrifiques !

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