Littérature française

Alain Mabanckou

Le Commerce des Allongés

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Chronique de Marie Michaud

Librairie Gibert Joseph (Poitiers)

Alain Mabanckou nous invite une nouvelle fois à arpenter les rues de Pointe-Noire, notamment les allées du cimetière du Frère-Lachaise et même le royaume des morts, tout aussi hauts en couleur que celui des vivants.

Liwa est un jeune homme aux vêtements excentriques – veste orange, chemise verte et nœud papillon blanc, pantalon violet et chaussures vernies rouges. Un peu surpris de cet accoutrement, il s’étonne d’autant plus que flotte autour de lui une forte odeur de Mananas, cette eau de toilette dont on asperge les morts lors des longues et chaudes cérémonies qui précèdent la mise en terre. Pourtant, rien de plus normal à tout cela puisque Liwa vient de sortir de sa tombe. Comment et pourquoi est-il revenu ? D’ailleurs, est-il vraiment de retour parmi les vivants ou simplement en transit dans cette zone intermédiaire qu’arpentent certains défunts pour régler leurs affaires avant de pouvoir accéder véritablement au repos éternel ? Pour le savoir, il va devoir relire son histoire : des tout premiers pas de l’orphelin élevé par sa grand-mère Mâ Lembé aux derniers près de l’hôtel où il travaillait en passant par les 400 coups de son enfance avec Sosthène et Jose. Mais il va aussi devoir écouter les histoires que les autres trépassés lui racontent. Car, vivants ou morts, les personnages d’Alain Mabanckou sont – comme lui – des conteurs dont les fables sont à la fois drôles et tragiques, légères et édifiantes. À travers elles sont dévoilés les croyances ancestrales, les rivalités, les tromperies et les errements qui agitent la société congolaise. Le Commerce des allongés, en s’intéressant à l’autre monde, s’inscrit dans la continuité de l’œuvre foisonnante et riche de Mabanckou. Le lecteur y retrouvera tout ce qu’il aime dans ses romans toujours surprenants. N’hésitez donc pas à franchir les portes du Frère-Lachaise pour faire la connaissance de cette farandole de drôles de morts et, par-là peut-être, apprivoiser l’idée que vie et mort ne se tournent pas forcément le dos.

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