Littérature étrangère

Boris Fishman

Une vie d’emprunt

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Chronique de Marie Michaud

Librairie Gibert Joseph (Poitiers)

Sélection Prix Page/America 2014

Juif new-yorkais originaire de Minsk, Slava a émigré avec sa famille à la fin des années 1980. Alors qu’il a pris ses distances avec ses origines, la mort de sa grand-mère le fait renouer avec sa famille, notamment son grand-père. Ce personnage haut en couleurs et éternel roublard demande à Slava d’écrire un témoignage pour être indemnisé pour les préjudices subis par les Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale. Il n’y a qu’un problème : il n’a jamais été déporté. Qu’à cela ne tienne ! Puisque Slava est écrivain, il n’a qu’à trouver une histoire ! Malgré ses réticences, Slava finit par tisser une « nouvelle vie » à son grand-père en partant de témoignages réels, dont celui de sa grand-mère, se convaincant ainsi que « ce que les nazis avaient confisqué, [il] l’avait restitué ». Seulement, Slava est vite sollicité par de nombreux « amis » de son grand-père pour écrire de nouvelles « vie[s] d’emprunt ». Devenu le scribe de la communauté juive russe de son ancien quartier, il comprend, au fil des rencontres, que si certaines souffrances ne sont pas éligibles aux indemnisations, elles n’en sont pas moins réelles et que ses histoires permettent – paradoxalement – de transformer « le silence en savoir ». En trafiquant la mémoire à l’aide des mots, Slava prend des risques. Dont le plus grand est de trouver ce qu’il croyait fuir : une identité intime construite à partir de ses racines. Le premier roman de Boris Fishman évoque avec une grande finesse, une réelle humanité et une indéniable drôlerie, les questions de l’identité, de la mémoire et du mensonge.

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