Littérature étrangère

Katharina Winkler

Les Bijoux bleus

Chronique de Marie Michaud

Librairie Gibert Joseph (Poitiers)

« Les bijoux bleus des femmes portent la signature des hommes. L’outil […] et le nombre de coups, déterminent la nuance de bleu. » Et Filiz aura la plus effroyable des parures.

Filiz a six ans. Elle garde les agneaux de son père et marche deux heures dans la montagne pour aller à l’école. Elle partage avec ses dix frères et sœurs les miettes d’affection qui surgissent au gré de leur vie rude dans la campagne turque. Côtoyant les femmes du village, Filiz sait une chose : « Quand je serai grande, je serai une femme bleue ». Filiz a dix ans. Elle regarde les garçons jouer dans le ruisseau en rêvant de pouvoir en faire autant. Jusqu’à ce que Yunus l’informe d’une décision qui va bouleverser leurs vies : « Tu m’appartiens. » Filiz a quatorze ans. Filiz s’enfuit avec Yunus. Entièrement soumise à son mari, elle devient l’esclave de sa belle-mère et, malgré son acharnement à faire tout ce qu’on exige d’elle, les coups pleuvent et les bijoux bleus deviennent sa parure quotidienne. Filiz a trois enfants et elle suit son mari en Autriche. La violence est un état de fait inéluctable, moyen pour Yunus d’affirmer son pouvoir sur elle, sur sa vie, sur son corps et même sur son regard et ses pensées. Filiz est l’héroïne des Bijoux bleus, un premier roman court, fragmentaire et très émouvant, dans lequel l’extrême poésie de l’écriture sert, par contraste, à dénoncer les violences faites aux femmes.

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