Littérature étrangère

Emuna Elon

Une maison sur l'eau

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Chronique de Marie Michaud

Librairie Gibert Joseph (Poitiers)

Yoel, écrivain israélien renommé, avait promis à sa mère de ne jamais se rendre à Amsterdam. Transgresser cette interdiction sera le début d’un long chemin vers la vérité, vers une part secrète de son histoire.

Il aura fallu une soixantaine d’années, la mort de sa mère et une obligation professionnelle pour que Yoel foule de nouveau sa terre natale. Cette ville d’Amsterdam que Sonia, Néti et lui ont fui au moment des persécutions des juifs par les nazis. Mais le trouble jeté par ce voyage n’est que le début d’une exploration de son passé. En effet, en visitant le Musée historique juif, il découvre une vidéo dans laquelle on voit son père et sa mère avec une fillette et un petit garçon. Mais, aucun doute, ce bébé, ce n’est pas lui. Mais alors, lui, où est-il ? Et qui est ce petit garçon ? Commence une quête pour lever le voile sur un silence familial d’un demi-siècle. Si cette quête passe par le récit des souvenirs de sa sœur, Néti, un peu plus âgée, qui lui fait le récit des bribes qu’elle a gardées en mémoire, il lui faut retourner à Amsterdam, s’y confronter aux fantômes de son histoire, aux étincelles mémorielles qui pourraient éclairer sa recherche. En partie protégé par sa panoplie d’écrivain préparant un prochain roman, « il erre dans les rues, dans les musées, dans les méandres de son âme ». Il fouille méticuleusement les archives et découvre le drame des 2 500 enfants juifs cachés dans des familles chrétiennes. La plupart n’ont jamais retrouvé leurs parents, jamais su même qu’ils étaient des enfants cachés. Mais surtout, il semble voir à la fois le passé et le présent dans cette petite rue Jacob-Obrecht, semblant observer plutôt qu’imaginer la vie de ses parents, de leurs amis, de leurs familles, au moment le plus tragique de leur histoire. Et tenter encore et encore de répondre à cette question fondamentale : qui suis-je ? Le roman d’Emuna Elon, profondément émouvant, interroge les secrets de famille, les blessures inguérissables du passé mais aussi le pouvoir salvateur de l’écriture et de la fiction.

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