Littérature étrangère
Diane Wilson
Les Semeuses

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Diane Wilson
Les Semeuses
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Nino S. Dufour
Pocket
05/06/2025
464 pages, 9,60 €
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Chronique de
Marie Michaud
Librairie Gibert Joseph (Poitiers) - ❤ Lu et conseillé par 16 libraire(s)

✒ Marie Michaud
(Librairie Gibert Joseph, Poitiers)
À travers les voix de plusieurs générations de femmes dakhóta, Diane Wilson retrace les épreuves qu’elles ont traversées, les sacrifices et les choix douloureux qu’elles ont dû faire, prix à payer pour transmettre aux enfants d’aujourd’hui le récit d’un peuple et les graines du passé qui nourriront l’avenir.
La première voix qui jaillit entre les pages de cet extraordinaire roman est à la fois la plus inattendue et la plus évidente. Ce sont « les graines [qui] parlent », faisant le récit d’un pacte primordial : « Nous avons renoncé à notre état sauvage pour vivre alliées aux Humains. Grâce à nos soins mutuels, le Peuple et les Graines survécurent. Durant de nombreuses générations, l’Accord fut respecté. » Jusqu’à ce que les Européens viennent s’approprier les terres qui avaient accueilli le Peuple, les animaux et les plantes en harmonie. L’histoire du roman commence bien des années plus tard mais s’enrichira de nombreux va-et-vient entre les époques et les femmes d’une même lignée, enracinée sur les bords de la rivière Minnesota, avec, comme pivot, le récit de Rosalie Iron Wing. Orpheline de mère, élevée par son père dans la cabane familiale au cœur des bois, elle a appris à vivre avec la nature, à prendre et à donner pour que l’équilibre soit respecté. Jusqu’à l’arrachement qui l’a séparée des siens. Quelques années plus tard, mariée à John, un fermier blanc dont les terres sont héritées de la spoliation première de ses ancêtres, Rosalie entreprend un potager selon les anciennes pratiques qu’elle tente de transmettre à leur fils. Pourtant, après la mort de John, elle quitte la ferme et fait le choix de revenir aux origines. Mais le roman est un patchwork de voix et de récits. Il y a l’amie de jeunesse, Gaby Makepeace, devenue une guerrière de la lutte contre les firmes agrochimiques dont les semences OMG et les engrais qui asservissent les fermiers et polluent les sols et les rivières. La première « ancienne » que le lecteur rencontre est la grand-tante de Rosalie, Darlene. Cette vieille dame, au corps affaibli mais à l’âme forte, a réussi à sauvegarder quelques graines originelles en les plantant dans de grands seaux qui colonisent – cette fois pour la survie du Peuple et de la mémoire – tout l’espace de sa chambre d’une résidence pour personnes âgées. Enfin, le récit le plus puissant et le plus effroyable est celui de Marie Blackbird, l’aïeule qui vécut la longue marche de déportation après la « guerre des Sioux », emportant avec elle et protégeant des graines cousues dans les ourlets de vêtements. À travers ces récits, à travers ces graines, c’est la survie du Peuple lui-même que les femmes ont garantie, quels que soient les sacrifices consentis en chemin. C’est ce que Diane Wilson nous donne à lire dans ce sublime roman choral, semant une précieuse graine de solidarité, de pardon et d’espoir en l’avenir.