Littérature française

Alexandra Koszelyk

L'Archiviste

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Chronique de Marie Michaud

Librairie Gibert Joseph (Poitiers)

L’archiviste K, gardienne des trésors artistiques de sa ville, se voit soumise à un effroyable chantage : accepter d’altérer des œuvres fondatrices de la culture ukrainienne pour tenter de sauver sa sœur.

De la guerre en Ukraine, nous parviennent des images de villes bombardées, de familles réfugiées, séparées, endeuillées, d’hommes en armes défendant leur patrie assiégée. Mais que savons-nous de l’âme, de la culture ukrainienne ? Peu de choses sans doute. Tout le contraire de K, la jeune directrice de la bibliothèque d’une ville tombée aux mains de l’ennemi. Au début de l’invasion, toutes sortes d’œuvres d’art ont été mises à l’abri dans les caves de l’établissement. Si les bombardements ont cessé, l’occupant est partout et K ne trouve de réconfort que dans le cœur de sa bibliothèque. Jusqu’à ce que ce « refuge » soit à son tour menacé, transformé en lieu d’épreuve par l’Homme au chapeau. Celui-ci lui explique que, dorénavant, elle aura pour mission de dévoyer des œuvres marquantes célébrant l’Ukraine, manière de faire plier définitivement la population par une réécriture de l’Histoire à travers l’art. Pourtant, K va trouver les ressources et le courage de résister, inscrivant les clés de la vérité au cœur-même de la falsification. En effet, grâce aux ombres du passé qui l’entourent, K « voyage » auprès des artistes ou au sein même des œuvres, ici dans les champs de soucis d’une chanson populaire, là dans l’atelier d’une peintre ou la chambre d’un écrivain. En allant à la rencontre d’Alla Horska, Maria Primatchenko, Mykola Gogol, Sonia Delaunay mais aussi des victimes du Holodomor ou des jeunes pleins d’espoir de la place Maïdan, Alexandra Koszelyk crée une mise en abyme kaléidoscopique qui fait entrer en résonance les questionnements esthétiques et humains de ces artistes avec ceux de K pour constituer finalement un écho à sa propre volonté de résistance et d’affirmation d’identité. L’Archiviste est un grand roman qui revendique que même si « la nuit [est] tombée sur l’Ukraine », « l’Ukraine n’est pas morte ».

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