Littérature française

Guillaume Poix

Perpétuité

✒ Marie Michaud

(Librairie Gibert Joseph, Poitiers)

Ils sont ceux qui entrent et sortent, ceux qui portent les clés, ceux qui ouvrent l’œil : Guillaume Poix nous donne à lire le quotidien de surveillants de la Pénitentiaire, le temps d’une nuit. Et c’est magistral !

Clac. Bruit des portes qui s’ouvrent. Clac. Bruit des portes qui se referment. Douze heures à arpenter les couloirs, les coursives et les escaliers. À frapper l’œilleton avant d’y apposer son œil pour vérifier que tout est en ordre dans la cellule. À gérer les imprévus qui ne manqueront pas d’arriver. Dans Perpétuité, Guillaume Poix nous fait ombres des onze surveillants, « las mais bien là », qui tentent de s’assurer que la nuit des mille détenus dont ils ont la charge se déroule sans catastrophe majeure. Si la violence n’est pas absente de cette nuit (celle de l’Institution mais aussi celle des êtres), c’est surtout à la solidarité, à l’amitié, à l’empathie, au désarroi des individus que s’intéresse l’auteur, chacun aux prises avec sa vie – ses petits problèmes et ses grands drames –, celle qu’il faut laisser aux vestiaires avec ses vêtements civils et son téléphone. Mais si le gilet pare-lames protège, il est lourd à porter ; si l’uniforme assimile, il ne gomme pas les différences. Et ce sont donc bien des hommes et des femmes – Bianca, la directrice, Pierre, le premier surveillant, Houda, Kim ou Bébel, les surveillants, ou Dominique, la médecin…– qui sont au cœur du roman, leurs relations, leurs convictions, leurs décisions, leurs espoirs, leurs abandons. Les heures s’égrènent, les pages se tournent et, au matin, la vie reprend son cours, inchangée mais pourtant insensiblement et irrémédiablement transformée, comme notre regard. Perpétuité nous fait pénétrer derrière les portes fermées d’une maison d’arrêt et nous interroge sur l’état, le rôle et les limites du système pénitentiaire en même temps qu’il met l’humain – surveillant ou détenu – au cœur d’un roman très documenté et porté par une écriture qui nous prend et ne nous lâche plus jusqu’à la dernière ligne.

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