Littérature française

Pierre Assouline

Golem

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Chronique de Marie Michaud

Librairie Gibert Joseph (Poitiers)

Un homme modifié par la science demeure-t-il un homme ou devient-il un monstre ? Plus que l’enjeu éthique, ce sont les aspects philosophiques et psychologiques de ces possibles transformations qui sont au cœur du nouveau roman de Pierre Assouline.

Gustave Meyer est un homme ordinaire, divorcé, père d’une fille déjà adulte, grand maître international aux échecs, amateur de peinture en général et fou de Rothko en particulier... Mais sa vie bascule lorsqu’il devient le principal suspect dans la mort de son ex-femme, survenue au cours d’un troublant accident de voiture. En fuite, vivant dans la clandestinité, recherché par la police, il tente de comprendre ce qu’avait pu découvrir son ex-femme, lanceuse d’alerte dans le domaine médical, pour qu’on la fasse ainsi disparaître. Peu à peu, guidé par d’infimes détails, il en vient à s’interroger sur le traitement dont il a bénéficié pour soigner son épilepsie : l’implantation d’une électrode dans le cerveau pour en équilibrer le fonctionnement. En consultant son dossier tenu secret, Meyer découvre que son ami d’enfance et neurologue Robert Klapman a profité de cette opération pour lui implanter une seconde électrode visant à augmenter ses capacités de mémoire. Dès lors, Meyer n’aura de cesse de comprendre le sens de l’expérience dont il a été le cobaye et de s’interroger sur ce qui fait de lui un homme ou un monstre, à l’instar du golem de la tradition juive. Commence alors une errance en forme de quête identitaire, entre colloque scientifique sur le transhumanisme, visite à la Tate Gallery, et rencontres dans les synagogues et les ruelles des quartiers juifs de la Mitteleuropa sur les traces du golem. Pierre Assouline nous propose un roman dense et brillant qui interroge l’humanité et sa mémoire en mettant en perspective la kabbale, le folklore juif, l’histoire et les courants scientifiques les plus avancés autour de la question de l’homme augmenté. Car l’homme ne se prend pas impunément pour Dieu, et une mémoire hors norme se révèle être autant un don qu’une malédiction.

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