Littérature française

Maylis de Kerangal

Un monde à portée de main

illustration

Chronique de Stanislas Rigot

Librairie Lamartine (Paris)

Une jeune femme trouve la voie de son devenir, sa grille de lecture du monde et de l’autre, dans l’apprentissage rugueux d’un art ancestral. Maylis de Kerangal convoque ses fondamentaux pour mieux les transcender, pour mieux les bousculer le long de cet hypnotique roman initiatique.

Au cœur du nouveau livre de Maylis de Kerangal, il y a Paula, une jeune femme qui à la sortie du lycée va découvrir son incandescence en s’inscrivant dans une école de trompe-l’œil. Là, le long d’une année aux nombreuses exigences (à commencer par celles d’un corps soumis à rude épreuve), elle fera sien un apprentissage, celui de cette peinture décorative si méconnue, ainsi qu’une manière d’être présente au monde, cet acte de peindre. Un monde à portée de main est un grand roman initiatique aux mille détails qui font mouche, un roman qui au travers du destin parfois tortueux de son héroïne (et de son indispensable duo d’amis, l’exubérante Kate et l’insaisissable Jonas), se confronte à l’épineuse question de la création.

 

PAGE - Comment êtes-vous passée de Réparer les vivants (Verticales et Folio), son succès critique et public, ses adaptations théâtrales et cinématographiques, ses nombreuses traductions et les prix remportés, à ce nouveau roman ?
Maylis de Kerangal - J’ai eu à cœur, à un moment donné, de me remettre au travail sur un roman. Entre temps, il y a eu deux livres de « commande » : À ce stade de la nuit republié chez Verticales, et Un chemin de tables aux éditions du Seuil qui étaient des pas de côté en terme narratif. Ouvrir un roman dans sa vie, le chantier d’un livre, c’est quelque chose qui me demande beaucoup de continuité, je ne peux pas me dire que je travaille lundi puis trois jours après. Non, c’est tous les jours. Il y a alors quelque chose qui advient : j’ai besoin de cela. Alors évidemment, Réparer les vivants est un livre fondamental pour moi en termes de vie mais il y a eu un moment où j’ai eu envie de baisser le son et de faire monter autre chose : l’histoire de cette jeune femme, Paula Karst, pas très sûre d’elle, un peu perdue, sans grande passion et qui, un beau jour, découvre qu’elle va devenir peintre en décor, qu’elle va aller apprendre le trompe-l’œil dans une école à Bruxelles. Commence un roman d’apprentissage que j’ai ressenti aussi comme le désir de travailler plus près d’un personnage même si celle-ci est rejointe par Kate l’Écossaise, dotée d’un sacré caractère, également élève dans cette école, et Jonas, lui aussi élève, un peintre très doué qui va enseigner à Paula cette chose qui est que pour copier la nature, copier les bois, copier les marbres, pour travailler l’illusion, il faut les connaître, il faut les vivre aussi. Paula va se rendre compte que copier, ce n’est pas uniquement travailler un reflet. Il y a toute une façon d’incorporer les choses et d’aller atteindre ce monde à portée de main et que par ces formes, avec un peu de faux, de fiction, on atteint des vérités et des émotions qui sont essentielles. J’avais aussi envie de me rassembler dans un livre qui pourrait redire ce que j’aime comme thèmes : le travail, la jeunesse, les matières, le rapport aux gestes, aux espaces. Et j’ai essayé aussi de creuser autre chose : là c’est le rapport au temps qui est très important, pas sous une forme resserrée mais sous une forme plus large, la mémoire, le souvenir, tout ce qui est sédiment.

P. - Pourquoi l’univers du trompe-l’œil ?
M. de K. - D’abord, j’avais été assez fascinée par l’école en elle-même – je connaissais des anciens étudiants. C’est un univers extrêmement énigmatique, mystérieux, la dépense de travail est énorme. Paula est immédiatement plongée dans une ambiance de travail qui la choque physiquement : on travaille debout, dans les odeurs de térébenthine. Ensuite, j’avais envie d’incarner une sorte de chemin, de réflexion sur ce qu’est la fiction. On leur apprend à imiter les bois, les marbres, certains décors, à peindre un ciel et ils sont d’abord comme des artisans, l’apprentissage est d’abord absolument technique. Il s’agit de maîtriser les supports et évidemment les matières, les outils d’où viennent les couleurs. C’est un premier moment où elle va se mettre à regarder le monde dans lequel elle vit, à l’aune de ce monde factice qu’elle apprend à peindre. C’est devenu assez vite une espèce d’hommage à la fiction, l’idée que nous passons par des formes de faux. Peut-être que le roman en est une, pour trouver des accès à des mondes qui sont là, vrais, des émotions surtout qui sont ce monde à portée de main. Paula va comprendre cela par ce genre mineur qu’est la copie. Pour moi, il y a une tension entre l’imaginaire et le documentaire, ce qui était quelque chose d’assez présent dans mes livres précédents. Ici, j’avais envie de l’incarner dans le voyage de cette jeune femme, dans son initiation.

P. - Il y a d’ailleurs une forme de modestie dans le rapport qu’ils ont à l’art.
M. de K. - Ça me plaisait d’écrire un livre où l’artisanat, le côté à ras de terre, à ras des matières soit vu par le haut. À un moment, Paula doit aller peindre chez sa voisine, c’est son premier chantier mais elle l’investit comme si c’était la chapelle Sixtine. Et c’était fort d’écrire le roman de cette jeune peintre sans écrire un livre qui soit sur l’art avec un grand A mais au contraire de montrer que ce plafond pour elle, c’est un peu cette chapelle. Il y a une modestie dans cette fille qui cherche d’abord à bien peindre, à bien imiter et reproduire, et qui s’émancipe peu à peu des choses par l’imaginaire, par le souvenir. Il y a des moments dans le livre où son enfance entre par effraction. C’est comment une jeune femme s’approprie le monde, ou du moins essaye de l’atteindre, avec la main, le toucher. Ça passe par-là, c’est matériel.

 

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