Littérature française

Gabriela Trujillo

L’Invention de Louvette

illustration

Chronique de Stanislas Rigot

Librairie Lamartine (Paris)

Gabriela Trujillo, en magicienne accomplie, concocte, dans ce premier roman, une potion de bonheur à base de petite fille et de pays lointain, d'enfance à nulle autre pareille, de joyeuse sauvagerie et d'écriture incandescente.

Une femme du nom de L., qui aurait été vraisemblablement blessée à l'œil par le soleil, est opérée. Elle attend dans le noir que sa santé se rétablisse. C'est là que ses souvenirs se présentent à elle, ses années longtemps oubliées dans lesquelles elle va s'engouffrer, les revivant, les rejouant, les recréant. Et c'est ainsi qu'entre en scène Louvette qui naît un jour de tremblement de terre dans un pays d'Amérique latine qui ne sera pas nommé, une petite fille qui affiche rapidement «°une vocation pour la turbulence et les joies faciles°» et se comporte comme «°une fille du vent bien que constamment épiée et rattrapée par la gravité°». Une enfant qui profite de la moindre occasion pour se glisser dans les interstices qui s'offrent à elle. Elle sera aidée en cela par la relative indifférence affichée par sa famille pour cette petite fille arrivée une dizaine d'années après des jumeaux, un garçon débordant de vie et une fille à la beauté stupéfiante, une grande sœur à admirer. Le père, un rien mystérieux est peu présent. Louvette ne reconnaîtra longtemps que sa moustache. La mère, d'une grande beauté elle aussi – ce qui n'est pas le cas de Louvette –, semble jour après jour subir ce couple. C'est dans ce contexte que Louvette va grandir comme elle peut, découvrant à sa manière, avec ses moyens, le monde, la vie, les autres, se prenant de passion pour les animaux et pour les livres. Porté par une langue d'une rare beauté où la collision des images, de la beauté et des rigueurs dessine un univers d'une grande richesse, L'Invention de Louvette est un roman d'initiation (ou de réinitiation) qui frappe par son originalité, par son souffle maintenu de bout en bout, par sa capacité à échapper aux définitions, une histoire qui façonne autant son héroïne que son lecteur un peu plus à chaque page tournée.

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