Littérature étrangère

Jack Kerouac

Sur la route

  • Jack Kerouac
    Traduit de l'anglais (États-Unis) par Josée Kamoun
    Folio
    01/01/2005
    8.60 €
  • Chronique de Stanislas Rigot
    Librairie Lamartine (Paris)
  • Lu & conseillé par
    17 libraire(s)
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Chronique de Stanislas Rigot

Librairie Lamartine (Paris)

Avec la traduction du manuscrit original resté jusqu’alors inédit (le mythique « rouleau » qui subira de très nombreuses corrections avant de devenir le roman que nous connaissons), cette nouvelle version du chef-d’œuvre de Jack Kerouac se révèle aussi indispensable que définitive.

« Un jour quand tout le monde sera mort, l’original [de Sur la route] sera publié en l’état, dans toute sa folie ». Allen Ginsberg.

Reprenons l’histoire (la légende ?) : du 2 au 22 avril 1951, sur un unique rouleau de papier de quarante mètres de long, Jack Kerouac, vingt-neuf années au compteur, tape d’une traite ce qui allait devenir, après bien des aléas, à la fois un classique de la littérature américaine et le manifeste de plusieurs générations. Mais il faudra attendre le 5 septembre 1957 pour voir Sur la route enfin publié, dans une version plus que remaniée, version qui est celle que nous lisons aujourd’hui encore ; le long de ces six années qui séparent l’écriture de l’impression, Kerouac n’aura de cesse de réécrire, monter et remonter, censurer le fameux rouleau. Si les raisons en sont multiples, la première d’entre elle est tout simplement que le texte ne trouve pas preneur et que les mois passent. Viendront par la suite les avis extérieurs, la signature du contrat longtemps attendu entraînant d’autres lectures, impliquant d’autres réajustements notamment par crainte des procès pour obscénité ou en diffamation (Kerouac donne les vrais noms des gens qu’il croise). Tout cela est magnifiquement raconté par Howard Cunnel, le responsable de cette édition, dans sa longue préface relatant l’incroyable gestation de Sur la Route. Cette préface est complétée par trois autres qui, elles, s’attardent sur les résonances de l’œuvre. Conclusion : ce que publie Gallimard aujourd’hui n’est pas une nouvelle traduction mais bien la première traduction de Sur la Route (rouleau original) en un seul somptueux paragraphe.

Quid du texte ? Disons que revenu à sa forme primitive, le roman (terme ici plutôt réducteur) semble acquérir une nouvelle jeunesse qui rend le voyage encore plus grisant, la langue de Kerouac semblant n’avoir jamais aussi bien sonné (l’argot y retrouve un élan des plus jubilatoires). Les nombreux amoureux de Sur la Route trouveront ici de quoi satisfaire aussi bien leurs penchants fétichistes (les noms propres ont été rétablis : l’inoubliable Dean Moriarty redevient Neal Cassidy, Carlo Marx redevient Allen Ginsberg…) que leur appétit de nouveautés entre la redécouverte de certaines scènes (l’introduction avec l’évocation de la mort du père) et les séquences inédites. Les autres auront l’occasion de découvrir l’un des grands auteurs américains du xx e siècle que l’imaginaire collectif a bien trop souvent tendance à réduire à de stupides clichés « hippisants » (hippies que Kerouac abhorrait) ; l’occasion aussi de goûter à ce style unique, aussi hypnotique que lyrique qui leur fera traverser la nuit américaine en compagnie d’une incroyable armée d’originaux, poètes et artistes en perdition, laissés-pour-compte et autres cinglés, style qui leur transmettra cet appétit de vie, ces envies de beauté et de partage, l’envie de l’autre, bien avant que cette route ne devienne sous la plume d’un autre immense auteur américain, un théâtre de peur et de fantômes.

Parution chez Gallimard (coll. « Du monde entier ») de Et les hippopotames ont bouilli vifs dans leurs piscines de Jack Kerouac et de William Burroughs et de Beat Generation de Jack Kerouac. Visions de Gérard paraît en Folio.

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