Littérature française

Marc Dugain

L’Emprise

illustration

Chronique de Stanislas Rigot

Librairie Lamartine (Paris)

Comme une conclusion à ce qui pourrait être une certaine trilogie du pouvoir (après La Malédiction d’Edgar et Une exécution ordinaire), Marc Dugain tire d’une plongée dans les arcanes de la politique française un roman noir et vertigineux, aux allures de puzzle infernal au cœur de l’état.

Philippe Launay est à la tête d’un parti de droite, aujourd’hui, en France. Il est populaire, représente une certaine idée de cette droite, modérée, sûre de ses valeurs et de ses traditions, et en même temps capable d’adaptation sans être rétrograde, pour faire face à un monde toujours plus instable, à une société toujours plus vacillante. La prochaine élection présidentielle approche et la décision quant à sa candidature est attendue de tout côté comme une évidence (il serait même vraisemblablement élu sans trop de difficultés) mais le veut-il vraiment ? Les obstacles et les adversaires sont nombreux mais, ironie du sort récurrente dans ce milieu, son meilleur ennemi semble être ni plus ni moins que son dauphin, au sein même de son propre parti ; à moins que ce meilleur ennemi ne soit sa propre femme, décidée visiblement à tout prix à faire barrage à cette candidature pour la présidentielle si elle devenait une réalité ; à moins que ce ne soit cet homme-ci ou cet homme-là, le monde des affaires ou celui des services secrets ou… de bien trop nombreuses possibilités pour être nommées. De retour en France après un bouleversant passage aux États-Unis (L’Avenue des géants et son serial killer sur fond d’effondrement de l’idéal hippie), Marc Dugain reprend ses réflexions sur le pouvoir. La Malédiction d’Edgar nous avait emmenés dans les arrière-cours de la politique américaine avec Edgar Hoover. Une exécution ordinaire nous racontait l’effondrement de l’État russe au travers du destin tragique du sous-marin Koursk. Avec L’Emprise, il dresse un tableau des plus sombres du monde politique d’aujourd’hui, de sa réelle place dans ce contexte de mondialisation à outrance, de son autorité toujours plus contestable et contestée. Avec son habileté habituelle mais une énergie nouvelle (les chapitres sont constitués de quelques pages et le rythme général est extrêmement rapide), il construit son récit comme le plus implacable des thrillers, tendu jusqu’à la dernière page. Une fois le chœur de l’histoire lancé au travers de ses nombreux personnages tous peu recommandables, les histoires vont s’imbriquer, les retournements seront légion, les dialogues resserrés souvent dévastateurs. Les hommes politiques, les hommes d’affaires et les hommes de l’ombre s’observent, s’allient, s’affrontent, font la paix, recommencent autour d’enjeux qui souvent les dépassent. Dans cette mécanique du diable, peu s’en sortiront indemnes. Pour le plus grand plaisir des lecteurs.

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