Littérature française

Charles Dantzig

À propos des chefs-d’œuvre

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Chronique de Stanislas Rigot

Librairie Lamartine (Paris)

Dépiautant la notion de chef-d’œuvre avec un appétit tour à tour joyeux et féroce, Charles Dantzig dessine une nouvelle carte de lectures aux itinéraires multiples, une promesse de longues nuits de papier.

Qu’est-ce qu’un chef-d’œuvre ? Comment se définit-il ? Existe-t-il une méthode ou, à défaut, des points communs, des similitudes d’approche ? Sont-ils universels ? C’est ce rocher de Sisyphe que tente de pousser un Charles Dantzig pour le moins volontaire, partant du mot lui-même pour finir par sa possible incarnation dans la chair de l’homme. Au creux de ces nombreux et très courts chapitres – une architecture idéale pour cet essai constitué d’un apport incessant de respirations rendant chaque partie percutante –, nous verrons défiler les tables de lois littéraires et les noms attendus seront prononcés, d’Homère à Proust, en passant par Balzac, mais ils le seront toujours avec cette tonalité chère à cet insatiable amateur de la Chose Littéraire, celle où se mêlent au sein d’une érudition sans faille, l’intelligence et l’humour (le thème se prête particulièrement bien aux différentes variations), l’envie majuscule de lecture et la passion. Ajoutons à cela que l’auteur aime les chemins de traverse et nous laisse une feuille de route remplie d’auteurs peu ou inconnus (Rochester), ou de livres peu connus d’auteurs illustres (Souvenirs d’égotisme de Stendhal, la correspondance de Proust). Enfin, un essai de Charles Dantzig en serait-il vraiment un sans la jubilation de ses partis pris et autre coup de griffe, ici particulièrement acéré, où sa finesse d’analyse et sa subjectivité assumée font une fois de plus merveille : Joyce et Duras, Céline et Rousseau sont ainsi à la noce, et même leurs plus fervents admirateurs ne pourront s’empêcher de lui accorder certains arguments. À la fois concerné par la tâche qu’il s’est assigné (il n’y aurait pas de précédent sur le chef-d’œuvre littéraire), mais sans jamais se départir d’une certaine légèreté (l’évocation des Aristochats ou son craquant « restons papillon »), ce livre est sans doute le meilleur de son auteur depuis son fameux Dictionnaire égoïste de la littérature française.

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