Chronique Le Lambeau de Philippe Lançon

- Philippe Lançon
- Coll. «Blanche»
- Gallimard
- 19/04/2018
- 19 p., 0 €
33 libraire(s)
- Caroline Sauvage de La Grande Librairie (Vichy)
- Geneviève Gimeno de Maupetit (Marseille)
- Jean-François Delapré de Saint-Christophe (Lesneven)
- Jean-Pierre Agasse de Sauramps Cévennes (Alès)
- Sophie Todescato de Les Temps modernes (Orléans)
- Marie-Paule Bonnaud de Contact (Angers)
- Frédérique Franco de Le Goût des mots (Mortagne-au-Perche)
- Emmanuelle Barbier-Maître de du Cours (Lyon)
- Marc Rauscher de Majuscule-Birmann (Thonon-les-Bains)
- Béatrice Leroux de Gibert Jeune (Paris)
- Valérie Faucon de Graffiti (Castres)
- Françoise Dupuis-Marsal de Le Neuf (Saint-Dié-des-Vosges)
- Delphine Demoures de des Halles (Niort)
- Céline Arrault-Noël de Le Pain de 4 livres (Yerres)
- Frédéric Leplat de Page 5 (Bruz)
- VALERIE Diot de À l'eure des livres (Bernay)
- Brice Vauthier de L'Étagère (Saint-Malo (Paramé))
- Caroline Herbeck de Maison du livre (Rodez)
- Maritsa Boghossian de Pleine lune (Tassin-la-demi-lune)
- Florence Reyre de Du côté de chez Gibert (Paris)
- Murielle Lerestif de Un Fil à la page (Mordelles)
- Madeline Roth de L'Eau vive (Avignon)
- Valérie Fèvre de La Cabane à lire (Bruz)
- Mathilde Boudinet de Chantepages (Tulle)
- David Guerrinha de CALPE LES PORTES DE L ESSONNE (SAVIGNY SUR ORGE)
- Géraldine Guiho de Vent de soleil (Auray)
- Valérie Schopp de L'Arbre à mots (Rochefort)
- Maryline Noël de Le Comptoir (Santiago)
- Aurélie Bouhours de Au temps des livres (Sully-sur-Loire)
- Valérie Bethaz de La Cité du Vent (Saint-Flour)
- Anaïs Legodec
- Nicolas Mouton de Presse papier (Argenteuil)
- Madleen Renault de Hisler-Even (Metz)
Stanislas Rigot Librairie Lamartine (Paris 16e)
Rescapé de l’attentat de Charlie Hebdo, Philippe Lançon délivre, au-delà du témoignage, un véritable roman-monde : Le Lambeau se déploie avec une rare maestria sans jamais entamer l’émotion brute qui déborde de chacune de ses pages. Un immense écrivain est né de cette effroyable tragédie.
PRIX FEMINA 2018
Il est difficile d’exprimer, de matérialiser en quelque sorte, l’onde de choc que provoque la lecture du nouveau livre de Philippe Lançon, Le Lambeau, tant ses pages entremêlant beauté et horreur d’une manière quasi inextricable remuent – et ne cessent de remuer bien après avoir tourné la dernière page. Pourtant, à l’annonce de sa parution, il était difficile de ne pas tomber dans l’a priori et de le ranger hâtivement dans la catégorie document, à côté des quelques autres ouvrages traitant des derniers attentats. La qualité de témoin et survivant de son auteur lui conférait cependant une aura particulière. Or, il faut l’écrire encore et encore, avec toutes les majuscules nécessaires : Le Lambeau est bien plus que cela, Le Lambeau est un CHEF-D’ŒUVRE, un de ses ouvrages qui définissent avec force et évidence bien mieux qu’un dictionnaire ce qu’est la LITTÉRATURE, un de ses ouvrages nécessaires qui, chapitre après chapitre, amplifie le regard de son lecteur, le colore, l’emmène en des territoires inexplorés parfois terribles, pour finir par modifier son rapport au monde, tout en évitant la moindre pontification, la moindre pédagogie du cheminement. Et c’est ainsi que de cet événement éminemment et cruellement personnel, dont les nombreux dommages collatéraux semblent décliner toutes les possibilités d’isolement et de repli sur soi, Philippe Lançon tire un texte d’une portée universelle et d’une humanité rare. Le récit démarre la veille de l’attentat, au théâtre, avec une soirée passée en compagnie de Shakespeare et La Nuit des rois. Lors de la représentation, alors qu’il n’est qu’un simple spectateur (Philippe Lançon est journaliste et critique littéraire à Libération et Charlie Hebdo), il sort son carnet et note une citation de la pièce « Rien de ce qui est, n’est » : celle-ci sera la dernière phrase qu’il écrira ce soir-là, la suivante sera écrite à l’hôpital. Dès cette ouverture, le livre pose son originalité : ainsi la chronologie des événements chahutée par les réflexions de l’auteur qui nous emmènent avec une fluidité désarmante en amont et en aval de l’instant, tout en creusant celui-ci rigoureusement ; la présence et le rôle de l’art, presque contagieux, le livre s’inscrivant aussi dans la tradition des ouvrages de passeurs, donnant de nombreuses envies de lectures (Kafka, Thomas Mann…), offrant des pages magnifiques sur la musique ou la peinture ; le portrait saisissant des nombreux personnages qui entourent le convalescent ; les portraits tout aussi saisissant des désormais absents ; le rendu des lieux (l’hôpital tel un continent, grand théâtre de l’aventure des lendemains) ; le rapport au corps, meurtri et redécouvert ; et, avant toute chose, la vie qui est là, vibrante et douloureuse, dans toutes ses ambiguïtés. Conjuguant l’émotion sans filtre, avec une intelligence et un regard d’une acuité désarmante, porté par une langue d’une grande richesse, Le Lambeau est une lecture indispensable. Merci Monsieur Lançon.