Littérature étrangère

David Malouf

Une rançon

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Chronique de Stanislas Rigot

Librairie Lamartine (Paris)

Revenant sur la confrontation du roi Priam avec Achille, David Malouf écrit un roman d’une rare humanité, une geste tutoyant l’éternel, portée par la poésie d’une écriture réussissant à s’affranchir du poids de L’Iliade.

Pour venger la mort de son cousin Patrocle, véritable âme sœur, Achille tue le meurtrier de celui-ci, Hector, le guerrier troyen, fils du roi et héros de son peuple. Fou de douleur malgré sa victoire, écrasé par la culpabilité – Patrocle est mort à sa place après avoir revétu l’armure d’Achille – refusant de rendre la dépouille à son père Priam, il s’obstine à outrager Hector et sa mémoire, attachant son corps jour après jour à son char, le traînant dans la poussière, tournoyant sans fin autour de la ville assiégée sous le regard horrifié de ses proches. Mais chaque jour, les dieux font en sorte que le corps reprenne sa forme originelle. Suite à un étrange rêve, contre l’avis de son entourage, le vieux Priam décide alors d’aller réclamer ce qu’il reste de son fils en échange d’une rançon, en se dépouillant de tout atour royal, cheminant sur une charrette, simplement accompagné du propriétaire de celle-ci, simple Troyen. Développant un bref épisode de L’Iliade, David Malouf donne chair à ces héros mythiques et nous raconte le cheminement intérieur aussi bien qu’extérieur de ce roi que la peine et l’âge ont mis à nu, celui de son compagnon de fortune, au bons sens terrien et roboratif embrigadé de force dans cette confrontation qui le dépasse, qui se retrouve guide à de nombreux égards de son illustre passager et celui d’Achille, son adversaire du moment que cette rencontre changera à jamais. Il nous offre un magnifique récit qui résonne au travers des siècles, une histoire de père(s) et de fils, une histoire d’une histoire d’amour(s), une histoire de temps qui passe inéluctable et meurtrier. Une magistrale leçon assénée avec la modestie des plus grands où chaque être résonne, couvrant de ses doutes et de ses espoirs le fracas de la guerre.

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