Littérature étrangère

Pauline Réage

Histoire d’O

illustration

Chronique de Stanislas Rigot

Librairie Lamartine (Paris)

Magnifique réédition d’un classique, non seulement de l’érotisme mais surtout de la littérature. Une œuvre majeure toujours aussi vénéneuse, expérience redoutable et salutaire.

Comment aborder Histoire d’O aujourd’hui ? Entre l’usure naturelle, dans un certain imaginaire collectif, de son statut sulfureux, et son dévoiement résultant d’un héritage littéraire incertain – du latex, quelqu’un ? –, ce roman semblait avoir gagné la place réservée dans la bibliothèque aux scandaleux d’un autre temps. Là, en échange d’un salaire de poussière, il aurait laissé échapper par inadvertance l’écho étouffé des débats, critiques brutales et autres tentatives de procès dont il fut l’objet, le souvenir d’une vague audace tellement datée. Cette réédition plus que soignée tend à prouver, non seulement le contraire – le malaise provoqué par sa lecture est toujours intact malgré notre soi-disant affranchissement moral –, mais surtout de réaffirmer avant toute chose la splendeur de son écriture, cette langue à la précision désarmante, au détachement aussi glacial que brûlant, qui perturbe et ensorcelle en témoignant du talent de son auteure. Roman initiatique s’il en est, s’installant comme tel dès les premières pages, il n’en finit pas de jouer avec sa nature et son lecteur dans une tension quasi permanente, qui n’a d’égale que sa beauté. Un texte qui ne peut laisser indemnes celles et ceux qui décident de franchir le pas.

Les autres chroniques du libraire