Littérature étrangère

Bret Anthony Johnston

Souviens-toi de moi comme ça

illustration

Chronique de Stanislas Rigot

Librairie Lamartine (Paris)

Premier roman à la maîtrise vertigineuse, regorgeant d’émotions finement peintes et fortement ressenties, Souviens-toi de moi comme ça est une magnifique découverte qui, derrière sa maestria, touche au cœur.

Bienvenue à Corpus Christi, Texas. Voici les Campbell : Eric, le père, professeur d’Histoire, prend une douche chez sa maîtresse avant de sortir ; Laura, la mère, qui s’occupe d’un pressing, soigne un dauphin dans un centre où, bénévole, elle passe une bonne partie de son temps, nuits comprises ; Griffin, leur fils, est un pré-adolescent dans toute sa splendeur, skate et cœur au bord de l’implosion en prime – il attend au bord du désespoir un signe de Fiona, cette copine à la place grandissante – ; et Cecil, le père d’Eric, patriarche et veuf, qui gère un dépôt-vente, traverse cette même journée, une de plus. Cette famille n’est plus que l’ombre d’elle-même : quatre ans auparavant, Justin, le fils aîné, 11 ans, a disparu sans laisser de traces, et la multiplication des hypothèses de plus en plus cruelles ou farfelues, des espoirs à chaque fois déçus, des peurs qui n’en finissent jamais et des culpabilités gangrenantes, quelle que soit la forme que celles-ci revêtent, ne leur ont laissé qu’un squelette de vie commune, des schémas d’habitudes, un fantôme de relations. C’est dans ce contexte qu’Eric reçoit un appel du procureur lui demandant, ainsi qu’à sa femme, de venir le retrouver de toute urgence. Page après page, un auteur naît le long de ce roman qui se joue des genres et de leurs codes, pour, tour à tour, bouleverser et surprendre. Sa redoutable architecture, sa justesse d’analyse, son épure, cette capacité à insérer un grand roman familial dans un carcan de roman noir (ou l’inverse) avec une aisance déconcertante, font de Johnston à la fois l’une des révélations d’aujourd’hui et l’un des grands espoirs de demain.

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