Littérature étrangère

David Cronenberg

Consumés

illustration

Chronique de Stanislas Rigot

Librairie Lamartine (Paris)

Naomi et Nathan sont un couple de photojournalistes free-lance. Ils parcourent le monde, chacun à sa manière, traquant le sujet à sensation qui leur fournira la matière du grand reportage dont ils rêvent ; et leur foyer ressemble bien plus à une ligne téléphonique, une boîte mail et un lien vidéo, qu’à une maison avec chien et jardin. Naomi s’est ainsi installée à Paris où elle enquête sur l’horrible assassinat d’une vieille philosophe française, retrouvée mutilée et en partie dévorée. Son mari, philosophe aussi réputé que sa femme avec laquelle il formait depuis des dizaines d’années un couple de légende, a mystérieusement disparu depuis. De son côté Nathan est parti en Hongrie, suivant un étrange chirurgien aux pratiques illégales traqué par Interpol. Couchant avec une des patientes du docteur, il attrape une MST soi-disant éradiquée… Il suffit de quelques pages à David Cronenberg pour rappeler qui il est, et démontrer que son passage de l’image à l’écrit n’a en rien ampoulé, ni son style, ni sa vision du monde et des hommes. Il réussit même le tour de force de réunir en une seule et forcément tortueuse histoire un bon nombre des obsessions qui traversent son œuvre (le corps et ses limites, le désir et l’assouvissement, la perversion, la technologie, la paranoïa…), et il délivre ce Consumés – véritable roman à mille lieues du scénario en mal d’adaptation ou des désastreuses tentatives de certains de ses collègues –, qui fascine et dérange, s’attardant autour des cicatrices d’une société malade, sous le regard des grands écrivains qui ont balisé ses films (de Ballard à King, en passant par DeLillo).

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