Essais

David Lynch

L’Espace du rêve

illustration

Chronique de Stanislas Rigot

Librairie Lamartine (Paris)

Entremêlant biographie et autobiographie, L’Espace du rêve est le livre attendu sur le parcours d’un des plus impressionnants créateurs des dernières décennies, le récit d’une quête aux confins du réel.

Qui êtes-vous Mr David Lynch ? Une question toute simple et une réponse de 650 pages magnifiquement illustrée de nombreuses photos souvent saisissantes, une réponse qui est écrite à quatre mains. En effet, pour raconter cette incroyable trajectoire, David Lynch s’est associé à la journaliste Kristine McKenna pour donner naissance à cette biographie autobiographique (ou l’inverse) : le récit, chronologique, est ainsi raconté d’abord par McKenna, appuyé de nombreux témoignages ; puis, à chaque fin de chapitre, David Lynch prend le relais et nous raconte sa vision des événements, ses sentiments, ses propres anecdotes. L’idée est bonne, le résultat est formidable : le sujet, face au récit de sa vie, affirme et contredit, approfondit, reconnaît ne pas savoir et emporte son lecteur dans les méandres d’un esprit hors normes. De son enfance heureuse (étonnamment, serait-on tenté de dire au vu des œuvres de l’artiste par la suite) au retour de Twin Peaks, tout y passe. S’égrènent ainsi triomphe (Sailor et Lula et sa palme d’or à Cannes) et naufrage (Dune, incroyable aventure à la tête d’une superproduction qui malgré son titre finit par prendre l’eau de toute part), les projets avortés (Ronnie Rocket) et les rebondissements (comment Mulholland Drive, épisode pilote d’une série avortée faillit finir à la poubelle). Sa vie intime est bien évidemment abordée, de ses grandes amitiés à ses nombreuses amours mais toujours avec pudeur et élégance. Se situant au croisement de nombreuses pistes, L’Espace du rêve ne se perd jamais et fascine avant tout par sa cohésion et sa force, sa lecture ne se voyant jamais entravée par la richesse de la documentation. Et au final, l’envie d’en savoir plus se fait sentir et confirme l’intuition de David Lynch lui-même, qui affirme que tout ceci n’est que la partie visible de l’iceberg.

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