Littérature étrangère

Steve Teisch

Karoo

Chronique de Stanislas Rigot

Librairie Lamartine (Paris)

Paré de tous les atours du roman culte (livre posthume, auteur inconnu), Karoo en a les qualités essentielles : étonnant et magnétique, drôle et poignant, simplement hors normes.

Saul Karoo est script doctor, c’est-à-dire qu’il remonte, à la demande des producteurs, des films que leur réalisateur ne mène pas, aux yeux des investisseurs, dans la bonne direction, celle du box-office. Et dans son métier, Saul est une pointure, ce qui lui permet de vivre sans problèmes financiers tout en n’étant pas accablé de travail. Alors Saul déambule de fête distinguée en soirée où il rejoue avec sa femme son divorce, évitant son fils dont il ne sait que faire, effrayé par le trop-plein d’amour que celui-ci lui porte. Tout irait donc pour le mieux (du moins pour Saul) si, un jour, il ne se rendait compte qu’il est incapable de se saouler même en engloutissant des quantités astronomiques d’alcool. Cette révélation l’inquiète furieusement, persuadé que celle-ci est le signe, aussi avant-coureur que funeste, de son détachement irrémédiable du monde. L’heure est peut-être venue de s’amender ? Écrit dans un style alerte et vif d’une grande acuité, jouant des émotions entre rires et larmes, cette odyssée est une réflexion au rasoir sur notre civilisation de consommation, un ovni qu’il est grand temps de lire et qu’il est grand temps de faire passer.

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