Littérature française

Jean-Baptiste Andrea

Les incandescents

Entretien par Stanislas Rigot

(Librairie Lamartine, Paris)

Récit flamboyant où l'amour le dispute à l'Histoire, Veiller sur elle est un cocktail d'humanité et d'émotions fortes à déguster en compagnie de ses deux inoubliables protagonistes, Mimo et Viola, qui forment un de ces couples appelé à se loger dans le cœur de ses lecteurs pour ne plus en partir, envoûtant jusqu'au jury du prix Goncourt 2023.

Ce qui fascine encore aujourd’hui avec les retours des lecteurs, c’est à quel point les définitions de Veiller sur elle varient : pour les uns, c’est un grand roman historique, pour les autres une magnifique histoire d’amour, pour d’autres encore un roman à énigme. Quelle a été pour vous l’étincelle du récit ?

Jean-Baptiste Andrea L’étincelle, comme pour tous mes romans, a été la fin. Donc, d’une certaine façon, le roman à énigme, le thriller métaphysique. Mais toutes les dimensions que les lecteurs perçoivent sont la chair du roman ; il n’existerait pas sans elles. Il y a plusieurs niveaux de lecture, certains sont à peine audibles ou visibles en fonction de la sensibilité de chacun.

 

Le livre a un destin hors normes. Quel regard portez-vous sur cette aventure ?

J.-B. A. Émerveillement et incrédulité. D’autant que l’aventure ne commence pas au Goncourt mais le jour où j’ai rencontré Sophie de Sivry, mon éditrice. Depuis, ma maison d’édition est devenue ma seconde famille. Recevoir le Goncourt a non seulement été une incroyable expérience personnelle – d’autant que je n’y avais jamais pensé de ma vie – mais une joie collective, partagée. Ce jour-là est d’autant plus intense que nous l’avons vécu ensemble. Même l’attente a été un moment incroyable et nous nous sommes dit que nous étions heureux de pouvoir le vivre, quelle qu’en soit l’issue. Je me rappelle chaque seconde jusqu’au lendemain matin. Après, j’ai un black-out de quelques jours !

 

Les libraires, qui avaient déjà beaucoup aimé vos trois précédents romans, se sont très tôt mobilisés, avant même la parution.

J.-B. A. En effet. J’ai mesuré très tôt la chance d’avoir un soutien précoce des libraires, dès mon premier roman. Mon deuxième livre a eu très peu de presse (ce qui est classique) mais a été entièrement porté par les libraires. Au moment de la sortie de Veiller sur elle, j’avais déjà presque une centaine d’invitations que je ne pouvais pas honorer, même en acceptant tout ce que je pouvais et en tournant une vingtaine de jours par mois (ce que j’ai fait). Ce sont des libraires passionnés qui m’ont aidé à me faire un nom, moi qui n’étais pas du sérail. C’était d’autant plus gratifiant qu’après vingt ans dans le cinéma, je commençais à penser que mes histoires n’intéressaient personne. Tout à coup, j’ai découvert que je n’étais plus tout seul, bien au contraire.

 

Comment s’est déroulée la tournée que l’on imagine dense ?

J.-B. A. En juillet 2023, j’ai dit à mon épouse que j’acceptais toutes les invitations possibles, qu’elle ne me verrait pas pendant trois mois mais que ça s’arrêterait net en décembre, à la fin du cycle de la rentrée littéraire. Je n’avais pas prévu le Goncourt. La tournée a duré un an et demi de plus, d’autant que des invitations à l’étranger s’y sont ajoutées. Moi qui étais habitué à faire des rencontres à dix personnes, je me suis soudain retrouvé devant 300 ou 400 personnes. Ce qui ne fait d’ailleurs pas une immense différence en soi, à part le fait que lorsque la rencontre est finie, on se retrouve à signer pendant une heure et demie. Pour moi qui aime manger tôt, me coucher tôt, me lever et tôt et faire du sport, ça n’a pas toujours été facile. Mais je suis assez fier d’avoir réussi à tourner un an et demi sans être malade une seule fois, sauf pour la toute dernière rencontre.

 

Ces mois d’échanges ont-ils modifié votre perception du texte ?

J.-B. A. Pas particulièrement. Quand je remets un texte, j’y ai passé beaucoup de temps et j’ai profondément travaillé la structure, donc la « rétro-introspection » ne change pas grand-chose.

 

Comment appréhendez-vous cette impressionnante sortie en format poche ? On parle d’un tirage de 200 000 exemplaires.

J.-B. A. J’ai réussi à vivre mon rêve de devenir écrivain. Je continue à trouver miraculeux que quelqu’un achète mes livres. Ce n’est pas un syndrome de l’imposteur (que j’ai eu pendant six mois quand j’ai sorti Ma Reine) : je suis fier de mes livres et de mon travail. Mais j’ai toujours cette impression de vivre dans un songe. Ces chiffres-là provoquent un court-circuit dans mon esprit, je n’arrive même pas à les mesurer.

 

Pourquoi avoir changé la couverture du grand format pour cette version poche ?

J.-B. A. Parce qu’à L’Iconoclaste, ils se réveillent le matin en se disant : « Comment pourrait-on se compliquer la vie aujourd’hui plutôt que de se reposer ? ». Il y avait aussi une considération d’image. La phrase que j’ai le plus entendue en deux ans de tournée est : « Je ne pensais pas que je pouvais lire un Goncourt ». Les gens ont une idée de la littérature – entretenue, disons-le, par certains – comme quelque chose d’élitiste et de pénible. Je trouve cela non seulement faux mais dangereux pour le livre. L’immense majorité des Goncourt sont au contraire de grands romans accessibles, conformément au testament d’Edmond de Goncourt, qui met en avant « l’imagination ». Cette couverture un peu plus douce, un peu plus chaleureuse, a été conçue dans l’idée de faire passer ce message.

 

Vous êtes-vous remis à l’écriture ?

J.-B. A. Pas que je sache !

 

 

Un monastère au fin fond de l'Italie. Un vieil homme est en train de mourir. Bien que résidant là depuis quarante ans, celui-ci n'est jamais devenu moine et, alors qu'il s'éteint, que le mystère de sa vie semble s'épaissir un peu plus encore, les souvenirs remontent. Il est né en 1904, en France dans un milieu des plus modestes, de parents italiens ; il s'appelle Micheangelo dit Mimo ; il est atteint de nanisme. Mais, confié à son oncle turinois, il devient son apprenti et se révèle être un sculpteur de génie. Un jour, il rencontre Viola, fille au caractère bien trempée, de la famille Orsini, un véritable clan qui règne sur la région. Viola et Mimo sont comme une évidence l'un pour l'autre. Leur traversée du siècle commence mais l'Italie bascule dans le fascisme, le monde s'embrase et le destin va réserver bien des surprises à nos deux personnages.

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