Beaux livres

Charlie Pignone

Frank Sinatra 100

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Chronique de Stanislas Rigot

Librairie Lamartine (Paris)

Le 12 décembre 2015 marque le centenaire de la naissance d’une des plus grandes icônes de l’histoire de la musique mondiale, Frank Sinatra. Dans la multitude des hommages qui fleurissent ici et là, deux ouvrages, chacun à leur manière, nous offrent une vision saisissante de l’icône américaine.

Par quel versant aborder ce véritable Himalaya que représentent la carrière et la vie de Frank Sinatra ? Est-il simplement possible de dissocier l’un de l’autre dans cette histoire qui traverse en costume sur mesure, un whisky à la main et à un train d’enfer, la majeure partie du xxe siècle, traînant dans son sillage tellement d’hommes et de femmes, égrenant tellement d’événements incroyables ou grotesques, de faits et d’affabulations… Mais qui a surtout doté l’histoire de la musique d’un chapelet inépuisable de chefs-d’œuvre impérissables ? Une histoire qui rejoint la mythologie de l’époque depuis trop d’années pour que chacun n’en possède pas sa propre version. Fonds Mercator choisit l’escalade par la face ensoleillée et répond à ces questions de manière massive en publiant Frank Sinatra 100, l’album officiel des célébrations orchestrées par Charlie Pignone (vice-président des entreprises Frank Sinatra et responsable, notamment, de la dernière anthologie, la bien nommée Ultimate Sinatra). Et le moins que l’on puisse dire est qu’il n’a pas fait les choses à moitié, tant l’album impressionne par son volume et par la qualité de ses reproductions. Véritable odyssée photographique qui reprend la vie de « The Voice » chronologiquement, le livre alterne clichés de légende (les photographies sur scène au Sands de Las Vegas, la remise de son Oscar pour son rôle dans Tant qu’il y aura des hommes, les légendaires séances d’enregistrement…), et déclarations d’allégeance de personnalités l’ayant côtoyé. Le tout est contrebalancé par une succession de photographies plus intimes et souvent touchantes (un merveilleux fou rire avec Dean Martin, la photo de sa mère chez elle devant les photos de son fils et ses statuettes pieuses…). Un indispensable à la hauteur de l’événement. Shawn Levy attaque, lui, par le versant sombre, avec son Sinatra Confidential, et s’attarde sur l’histoire du « gang » de Frank, le légendaire Rat Pack (Dean Martin, Sammy Davis Jr, Peter Lawford et Joey Bishop), qui va l’accompagner avec toute la flamboyance possible durant ces années où il est au sommet de sa gloire, en projetant l’image d’une fête perpétuelle où l’alcool semble inépuisable et les femmes bien trop nombreuses. Mais Shawn Levy gratte et plonge derrière cette trop belle devanture, raconte l’envers du décor dans un tourbillon de coups tordus, de destins brisés sur fond de politique et de mafia, le tout baignant dans une ambiance scorcesienne en diable, qui, elle aussi, à sa manière détournée, redonne envie d’écouter les disques de l’artiste à fond en débouchant une bonne bouteille. ◼

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