Littérature française

Daniel Pennac

Le Cas Malaussène, t.1

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Chronique de Aurélie Janssens

Librairie Page et Plume (Limoges)

Parmi « les droits imprescriptibles du lecteur Pennac », on trouve « le droit de grappiller ». Mais si vous découvrez la famille Malaussène avec cet opus final, vous risquez d'être un peu déboussolés. Vous aurez face à vous une galerie de personnages aux prénoms improbables et des liens de parenté pas toujours évidents.

Heureusement, de son métier de professeur, Daniel Pennac a gardé cette envie de nous aider. Il a placé en exergue de son roman l'arbre généalogique de cette famille atypique et, à la fin, un répertoire des noms propres. Grâce à ces outils, nous prenons la mesure de ce que l'auteur a construit depuis près de quarante ans en une dizaine de romans, des centaines de personnages et des milliers de pages : une Œuvre ! Si Zola avait ses Rougon-Macquart, Balzac sa Comédie humaine et Proust sa Recherche du temps perdu, on peut désormais dire que Pennac a marqué de son empreinte l'histoire littéraire des XXe et XXIe siècle avec sa famille Malaussène. Certes le ton y est un peu moins sérieux, certes le langage y est un peu plus fleuri. Mais on retrouve les passions, les doutes, les psychologies complexes, les ressorts dramatiques propres aux grandes fresques romanesques. Le volet final de cette épopée se compose de deux parties. Dans le premier épisode (Le Cas Malaussène, Ils m'ont menti), nous retrouvions Sept, Mosma et Maracuja, les derniers-nés de la tribu Malaussène, qui avaient bien grandi et fait leur entrée dans le monde d'une manière aussi originale que brutale, se frottant au banditisme, enlevant Georges Lapiéta, homme d'affaires et ancien homme politique sous couvert d'une « performance ». On y retrouvait aussi le monde de la littérature avec les éditions du Talion et une réflexion sur la Vérité. Dans ce deuxième volet, on entre dans le roman au milieu d'une fusillade pour récupérer Lapiéta. Dès les premières pages, les cadavres et blessés tombent au rythme des balles. Le lecteur n'a pas le temps de souffler. Daniel Pennac impose un rythme et une gouaille véritablement jubilatoires, jouant à nouveau des codes du roman noir : retournements de situations, enquêtes, interrogatoires, valeurs malmenées. Au milieu de ce chaos, il y a Benjamin Malaussène, le bouc émissaire professionnel, le « frère de famille » qui observe, tente de comprendre. Et l'on imagine par-dessus le livre, le regard rieur et légèrement cruel de l'auteur qui s'amuse à malmener ses personnages et distille quelques avis en forme de punchlines sur notre monde contemporain qui « fabrique des vérités », sa violence, son hypocrisie. Pourtant, cet opus final est loin d'être crépusculaire car, dans tout chaos, il reste un phare : la famille, celle qu'on nous impose ou celle qu'on se choisit. Est-ce réellement la fin ? Peut-on dire avec ce Terminus que tout le monde descend ? À vous de le découvrir !

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