Essais
Raconter Mazan

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Élise Costa
Écrire Mazan
Marchialy
04/06/2025
300 pages, 22 €
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Dossier de
Aurélie Janssens
Librairie Page et Plume (Limoges) - ❤ Lu et conseillé par 13 libraire(s)

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Claire Berest
La Chair des autres
Albin Michel
30/04/2025
212 pages, 18,90 €
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Dossier de
Aurélie Janssens
Librairie Page et Plume (Limoges) - ❤ Lu et conseillé par 10 libraire(s)

✒ Aurélie Janssens
(Librairie Page et Plume Limoges)
Le 2 septembre 2024 s'est ouvert au tribunal d'Avignon le procès dit des « viols de Mazan » ou « Procès Pelicot ». Il a duré quatre mois et a été couvert par plus d'une centaine de journalistes. Pour tous, une question : comment raconter l'indicible ? Une écrivaine et une chroniqueuse judiciaire nous livrent deux regards différents et complémentaires sur ce procès historique.
Dans ses romans, Claire Berest explore l'intime, le moment où tout bascule, où des trajectoires explosent. Mais parfois, la réalité rattrape la fiction. Elle a couvert le procès Mazan pour Paris Match. De cette expérience, elle tire un essai fascinant où la focale se meut pour aller au plus près de l'intime, des émotions, mais se recule aussi pour saisir ce qui se joue dans son ensemble et ce que cela raconte d'une société. Lors de ce procès, cinquante-et-un hommes ont été accusés d'avoir commis des viols ou des agressions sexuelles sur Gisèle Pelicot, à qui son mari (à l'époque), administrait de puissants somnifères pour que ces actes sordides puissent avoir lieu. Dominique Pelicot est le principal accusé de cette affaire mais Claire Berest rappelle qu'il est loin d'être le seul coupable. Les dénis, les excuses, chacune des paroles prononcées par les accusés donnait l'impression à l'autrice de « jeter un œil dans l'abîme ». Afin de trouver la bonne distance pour raconter, elle s'appuie sur la philosophe Simone Weil, le magistrat Antoine Garapon, l'écrivain Imre Kertez mais aussi des éléments de culture populaire comme la série Fleabag. Au final, elle constate que dans ce tribunal « l'énigme qui s'est posée est bien celle du mal » et que « le mal n'a aucune poésie ». De son côté, l'essai d'Élise Costa est une véritable expérience de lecture. Elle couvre de nombreux procès depuis plusieurs années ainsi que de nombreux carnets de croquis. Dans cet ouvrage, vous retrouverez sur la page de droite les cinq articles parus entre 2024 et 2025 pour Slate.fr en bleu et sur la page de gauche des notes et dessins issus de ses carnets. Cette expérience visuelle est aussi une véritable leçon de journalisme car on retrouve de nombreuses réflexions sur sa façon de rédiger un article : quelle phrase d'accroche, comment raconter, les points de vue… Elle qui avait « peur des images, des paroles qui hantent longtemps, de ne pas pouvoir raconter, [...] peur d'être emportée par le courant » a su organiser ses sources, ce qu'elle a vu, entendu, pour rendre compte de ce qui s'est joué lors de ce procès. « Raconter une histoire, c'est aussi raconter comment on la vit. » Et s'il existe un stress post-traumatique vicariant pour les professionnels (pour les enquêteurs notamment) face à la violence des images qu'ils ont dû regarder. On sent à la lecture de ces essais comment ce procès a aussi eu des répercussions sur les journalistes qui ont eu à le couvrir.