Littérature française

Isabelle Serça

Esthétique de la ponctuation

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Chronique de Stanislas Rigot

Librairie Lamartine (Paris)

De la savoureuse érudition de l’Esthétique de la ponctuation aux étonnantes anecdotes de Sales Caractères, voici une double invitation à voyager autour et le long de ces mots qui font nos lectures.


Dans un (déjà) énième dégât collatéral, le numérique et sa mise en forme à volonté – quelle taille pour vos lettres et quelle police désirez-vous, ami lecteur ? – mettent à mal un élément apparemment essentiel de la constitution d’un récit : sa pagination. Or, la mise en page d’un livre n’a pas toujours été la préoccupation première de l’écrivain. C’est, entre autres choses, ce que nous rappelle le livre d’Isabelle Serça. Celle-ci remet en perspective la notion de ponctuation dans son sens le plus large (mot qui définit les signes, mais aussi les paragraphes et les pages d’un texte), ses significations et connotations au travers des différents arts (peinture, musique, architecture…), ses rapports au temps, à l’espace, à l’oralité (le fameux débat de la « voix » de l’écrivain), son histoire (la ponctuation telle que nous la connaissons ne date que du milieu du xixe siècle) et les variations (les violences ?) que lui ont fait subir quelques-uns de nos plus grands auteurs (Proust, Simon…) Loin d’être un pensum à prétention exhaustive, cette promenade à travers les époques est une juste piqûre de rappel et une invitation, par le biais d’extraits judicieusement choisis, à une autre lecture, un enrichissement de notre regard sur le texte et ses signes parfois mystérieux.


Parallèlement sort aux éditions du Seuil un livre qui, au travers de ces petites histoires dont se compose la grande, nous raconte les péripéties à l’origine de ces polices qui, aujourd’hui, avec l’invasion informatique jusque dans les moindres recoins de notre vie quotidienne, nous entourent, nous obligeant souvent à choisir et à prendre position. De l’honni « Comic sans » à la personnalité aussi douteuse qu’effrayante d’Eric Gill (créateur un rien pédophile et zoophile du « Gill Sans »), du volontariste « Gotham » cher à Barak Obama au « Gothique » cher à nos groupes de rock (Motörhead !), ce livre nous raconte les aventures de la typographie sans en oublier les pères fondateurs, dont le plus fameux d’entre eux, Gutenberg.


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