Littérature étrangère

William Shakespeare

Comédies, t.2

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Chronique de Stanislas Rigot

Librairie Lamartine (Paris)

Comment mieux célébrer les 400 ans de la mort de William Shakespeare, le génial fantôme, qu’avec ses deux derniers tomes de la magnifique édition en Pléiade des œuvres théâtrales du barde anglais ? En les accompagnant du non moins magnifique album publié sous la direction de Denis Podalydès ? Un bon début de réponse.

Qui, pour tenir le compte des ouvrages analysant, rudoyant, glorifiant l’œuvre aux allures de continent de Shakespeare ? Une œuvre qui, les siècles passant, semble de manière aussi désespérante que réjouissante n’avoir été écrite que pour s’y perdre ? Et le nombre des volontaires risque de connaître une brusque recrudescence en cette année 2016 où, commémoration oblige, l’édition fait feu de tout bois pour rappeler que personne, à commencer par Madame Rotative, ne devait oublier le poète, dramaturge, acteur, etc. Dans le florilège de ces parutions au sein desquelles se trouvent une fois de plus de fracassantes vérités sur la véritable identité de l’écrivain (le serpent de mer des serpents de mer ?), de nombreuses pépites sont apparues ou réapparues (cf. la réédition du délicieux Les Contes de Shakespeare de Charles et Mary Lamb chez Rivages Poche, ou le Stephen Greenblatt, Will le magnifique, en Champs Flammarion), mais rien n’est vraiment comparable à l’incroyable somme que représente aujourd’hui l’intégralité du théâtre shakespearien publié en Pléiade, dont la nouvelle édition a été dirigée par Jean-Michel Déprats et Gisèle Venet, et qui trouve aujourd’hui sa conclusion dans la sortie des superbes tome 2 et 3 des « Comédies ». Les difficultés de regroupement concernant le théâtre de Shakespeare sont connues : problème de datation, comme tout ce qui concerne la vie de l’écrivain, où rien n’est véritablement fixé par manque de preuves matérielles ; et problème de genre, les limites et les cases étant souvent absentes de ses pièces. Et ces difficultés paraissent s’accroître plus on s’approche de la fin de vie de celui-ci. Aussi, le tome 2, qui contient des pièces qui auraient été écrites sur plusieurs périodes allant de 1597 à 1606, apparaît-il comme un modèle de réussite par sa cohérence, le sentiment amoureux se détachant tel un fil rouge, liant l’ensemble des œuvres, des Joyeuses Épouses de Windsor à Tout est bien qui finit bien. En même temps, cette somme est aussi l’expression de la folle liberté de ton et de style de son auteur, qui n’en finit pas de forcer l’admiration, la poésie côtoyant la rudesse sans rougir. Et si le tome 3 paraît plus incertain, si ce n’est dans sa chronologie, du moins dans son approche première et sa thématique (le délicieux Troilus et Cressida est-il vraiment une comédie ?), il n’en demeure pas moins une source là encore inépuisable d’enchantement devant les merveilleuses chausse-trappes de cette écriture inégalée (La tempête). Il faut bien évidemment ajouter à ces éditions bilingues – aux nouvelles traductions acérées et à l’appareil critique redoutable (ce qui dans le cas du théâtre shakespearien s’avère souvent indispensable) –, la parution du traditionnel album de la Pléiade (offert par les libraires pour l'achat de 3 volumes) qui se révèle une invitation d’une élégance rare (l’iconographie est d’une grande richesse) à l’univers de l’écrivain, émanant d’un de nos plus grands acteurs et metteurs en scène actuels, M. Denis Podalydès. Des livres d’une vie.

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