Littérature étrangère

Ann Patchett

Orange amère

  • Ann Patchett
    Traduit de l’anglais (États-Unis) par Hélène Frappat
    Actes Sud
    02/01/2019
    301 p., 22.50 €
  • Chronique de Sarah Gastel
    Librairie Terre des livres (Lyon)
  • Lu & conseillé par
    15 libraire(s)
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Chronique de Sarah Gastel

Librairie Terre des livres (Lyon)

C’est une histoire d’amour et de ressentiments, de pleurs et de rires, de mensonges et d’innocence. Le tourbillon de la vie sous la plume irrésistible et réconfortante d’Ann Patchett.

Dans Orange amère, tout commence par un coup de foudre banalement commun au milieu des années 1960. Par une chaude journée d’été, aux fragrances citronnées et aux effluves de gin, Albert et Beverly, tous deux mariés, scellent les destins de leurs familles en échangeant un baiser inaugural. Elle est hypnotisée par sa beauté ; lui est persuadé que sa vie vient enfin de débuter. Ils se marient et quittent la Californie pour la Virginie ; chaque été, ils se retrouvent avec leurs six enfants, jusqu’au jour où une tragédie fait éclater la fratrie. Dès les premières pages, les codes du feuilleton romantique affleurent pour retracer l’histoire de cette tribu recomposée. Mais le regard mordant porté sur cette société aux airs de Desperate Housewives constitue un premier grain de sable à cette idylle. Et nous rappelle le souci constant de l’auteure de gratter derrière les apparences, pour faire ressortir les accrocs et les hasards de l’existence. Dans ce beau roman fêtant l’amour sous toutes ses formes, Ann Patchett rend compte de la permanence des liens, dans une prose incandescente, à l’écriture ironique et un brin désenchantée, qui n’est pas sans rappeler l’univers de Raymond Carver. S’y ajoute un art de la narration délicieusement elliptique. Jouant avec le temps, elle esquisse la genèse d’une famille qui mûrit, aime, se brouille et prend de l’âge, à coups de réminiscences et de chuchotements. Car les fâcheries ne durent qu’un temps et les personnages, diablement attachants, rompent le silence pour se raconter. Dès lors, Orange amère célèbre avec délicatesse ces histoires intimes qui n’appartiennent qu’à nous et qui nous façonnent. « Toutes ces choses que je n’ai pas écoutées, que j’oublierai, que je n’ai pas comprises, que j’ai manquées », comme le confie l’un des enfants une fois adulte.

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