Littérature étrangère

Ron Rash

Par le vent pleuré

  • Ron Rash
    Traduit de l’anglais (États-Unis) par Isabelle Reinharez
    Seuil
    17/08/2017
    208 p., 19.50 €
  • Chronique de Sarah Gastel
    Librairie Terre des livres (Lyon)
  • Lu & conseillé par
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Chronique de Sarah Gastel

Librairie Terre des livres (Lyon)

Un petit village au cœur des Appalaches, deux frères et un grand-père tyrannique : la scénographie parfaite pour une tragédie. Quand Ron Rash rejoue les partitions de l’éternelle confrontation d’Abel et de Caïn.

Été 1969. Des révolutions travaillent en creux la société américaine. C’est l’époque du Vietnam, de la drogue, des communautés hippies et des Doors. Le temps de deux mois enchantés, la contre-culture débarque dans le quotidien monocorde de Bill et Eugene, complètement déconnectés du reste des États-Unis, avec l’irruption de l’insouciante Ligeia. Native de Floride, la jeune femme va les prendre dans les filets de la tentation et bouleversera à tout jamais leur relation et leur destin. Quarante ans plus tard, des fragments d’os ayant appartenu à Ligeia se rassemblent dans les remous de la rivière : « Elle attend. Chaque printemps les fortes pluies arrivent, et la rivière monte, et son cours s’accélère, et la berge se désagrège toujours davantage, brunissant l’onde de son limon, mettant au jour une nouvelle couche de terre sombre. » À l’image de ses précédents textes, Ron Rash déterre le passé au cœur d’un paysage grandiose qui façonne ses habitants et explore les tréfonds de l’âme humaine et de la terre. Mais un changement de registre plus intimiste se fait jour. Écrit sous le sceau de la mélancolie propre à l’adolescence, Par le vent pleuré est un beau texte, tout en émotion contenue, sur le passage à l’âge adulte. C’est aussi une variation puissante sur la culpabilité et le rachat, la fragilité des hommes, le poids de la communauté ainsi qu’une exploration des failles du souvenir. Enfin, c’est un livre qui parle des années 1960 et de l’Amérique rurale. De ce qu’on éprouve lorsqu’on vit dans les marges, loin du cœur battant des chamboulements sociétaux. Par le vent pleuré, qui est tout à la fois un roman d’initiation à la beauté âpre, un roman noir et un écrin de poésie.

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