Littérature étrangère
Elaine Vilar Madruga
Le Ventre de la jungle

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Elaine Vilar Madruga
Le Ventre de la jungle
Traduit de l'espagnol (Cuba) par Margot Nguyen Béraud
Les Léonides
20/08/2025
368 pages, 22,90 €
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Chronique de
Sarah Gastel
Librairie Adrienne (Lyon) -
❤ Lu et conseillé par
4 libraire(s)
- Karine Clugery de Les Mots voyageurs (Quimperlé)
- Sarah Gastel de Adrienne (Lyon)
- Quentin Franchi de La Comédie humaine (Avignon)
- Coralie Brunel de Forum (Saint-Étienne)

✒ Sarah Gastel
(Librairie Adrienne, Lyon)
Au cœur d’une jungle aux appétits d’ogresse, un homme et des femmes tentent de survivre à la cruauté du monde. Une fable féministe envoûtante qui frappe l’imaginaire.
Dans une hacienda, loin des violences de la guerre, vivent des femmes, nourries et protégées par la jungle qui se transforme périodiquement en une « horloge insatiable qui décompte ses secondes de faim », exigeant en échange les enfants si appétissants de ces femmes. Ce qui signifie, pour les habitantes de la communauté, enfanter sans relâche des dizaines de marmots et les élever jusqu’à ce que la divinité ne réclame son dû. La Vieille, patriarche de ce petit microcosme, veille à cet équilibre mais un jour sa fille Santa, principale pourvoyeuse de chair fraîche, ne parvient plus à donner vie. La jungle se met alors à gronder. Et ce sont différents narrateurs de tous âges, enfants promis à la dévoration, figures destinées à procréer, « pondeuses » ou « inséminateurs », étrangers venus des environs qui content, dans un récit polyphonique, cette marche forcée vers la maternité. Entre conte gothique horrifique et histoire féministe radicale imprégnée de réalisme magique, Le Ventre de la jungle livre un récit troublant sur l’oppression exercée sur les femmes et leurs corps. L'auteure cubaine Elaine Vilar Madruga, qui fait partie des grandes voix émergentes de la littérature sud-américaine, aux côtés de Mariana Enriquez ou Dahlia de la Cerda, se glisse, grâce à son univers narratif exubérant, fait de broussailles, d'épines et de dents, dans nos fêlures pour nous mettre parfois mal à l’aise. Mais les réminiscences de la vie d’avant, quand les personnages n’étaient pas prêts à tout pour survivre, ainsi que l’écriture onirique et musicale, donnent beauté et visage humain au récit. Ce roman frappant traduit de l’espagnol par Margot Nguyen Béraud est édité par la nouvelle maison d’édition Les Léonides, créée par Dana Burlac, qui a notamment publié en France Iván Repila ou Dolores Reyes.