Littérature étrangère

Edna O’Brien

Les Petites Chaises rouges

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Chronique de Sarah Gastel

Librairie Terre des livres (Lyon)

Avec Les Petites Chaises rouges, la romancière irlandaise poursuit ses variations sur la condition féminine à travers l’histoire d’une jeune femme dont l’existence est ravagée par une rencontre dramatique. Splendide !

Edna O’Brien a 85 ans et elle écrit des chefs-d’œuvre depuis 1960, date de publication de son premier roman, Fille de la campagne (Le Livre de Poche). Les Petites Chaises rouges ne fait pas exception et surprend par sa faculté à se métamorphoser sans cesse, de l’amour au tragique, de l’intériorité la plus profonde au réalisme le plus nu. Son écriture sensible, où la surprise se cache dans les détails les plus ordinaires, s’accorde avec délicatesse à l’intrigue du roman qui commence comme un conte. Un jour, dans un village irlandais arrive un étranger charismatique, barbe blanche, chevelure blanche et long manteau noir. Originaire du Monténégro, il se prétend guérisseur. Les habitants tombent sous le charme, notamment la belle Fidelma, mariée à un homme plus âgé. Après des semaines de rendez-vous clandestins, tout bascule précipitamment. Recherché par toutes les polices du monde, Vladimir Dragan est arrêté pour avoir commis des atrocités pendant la guerre civile de Bosnie. Il sera transféré et jugé au tribunal de La Haye. C’est ainsi que le titre du roman s’éclaire, rappelant que 11 541 chaises avaient été installées à Sarajevo en 2010 pour commémorer le vingtième anniversaire du début du siège de la ville et la mémoire des victimes. Après cette épreuve, Fidelma devra se reconstruire à l’ombre des regards, quittant son pays natal et côtoyant le monde caché des laissés-pour-compte que la grande ville exploite et broie. À travers le portrait d’une femme exclue de la société pour avoir approché le mal, Edna O’Brien signe une œuvre ambitieuse et polyphonique, qui mêle à la fois le récit de la culpabilité, de l’innocence perdue et de la reconstruction. Les Petites Chaises rouges est aussi un magnifique manifeste pour ceux qui vivent dans les marges ou que la solitude tourmente.

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