Littérature étrangère

Laurie Colwin

Frank et Billy

  • Laurie Colwin
    Traduit de l’anglais (États-Unis) par Elishéva Marciano
    Autrement
    10/10/2018
    162 p., 10 €
  • Chronique de Sarah Gastel
    Librairie Terre des livres (Lyon)
  • Lu & conseillé par
    10 libraire(s)
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Chronique de Sarah Gastel

Librairie Terre des livres (Lyon)

Défricheuses de nouveaux talents littéraires contemporains venus de tous les horizons, à l’image de Brit Bennett, Nickolas Butler ou Kjell Westö, les éditions Autrement créent une collection de poche estampillée « Les grands romans », faisant la part belle à des auteurs cultes du catalogue.

Quand on songe à la collection « Littératures » de la maison, on pense inévitablement à la correspondance véritable de la New-yorkaise Helene Hanff à la librairie londonienne Marks & Co (84, Charing Cross Road) ou à celle, fictive, entre Martin Schulse et Max Eisenstein (Inconnu à cette adresse de Kathrine Kressmann Taylor). Mais ces deux grands succès, ainsi que les nouvelles voix émergentes du catalogue, ne doivent pas masquer d’autres écrivains majeurs, révélés ou exhumés de la forêt littérature, par les éditions Autrement. C’est là tout l’enjeu du lancement de cette collection poche qui a pour vocation de faire vivre le fonds, en permettant aux lecteurs de redécouvrir des œuvres du catalogue déjà éditées. S’inscrivant dans la tradition du roman anglo-saxon chère à l’esprit de la maison, les deux premiers titres sont consacrés à deux auteures emblématiques dont la modernité, le mordant et l’élégance sont suggérés par le graphisme acidulé et pop des couvertures. Deux voix malicieuses pour deux histoires d’amour contrariées où les contraires s’aimantent. Depuis 2005, les éditions Autrement s’emploient à éditer ou rééditer les livres de Vita Sackville-West, poète et romancière britannique qui défraya la chronique pour sa relation passionnée avec Virginia Woolf. Avec son regard acéré et singulier, cette figure de l’Angleterre de la Belle Époque épingle dans son œuvre, les manières de ses contemporains, pour le plus grand bonheur du lecteur. Beau portrait de femme, tiraillée entre sa passion pour un homme plus jeune, défenseur des classes ouvrières, et le souci des convenances de son milieu, Haute Société est une satire jubilatoire du microcosme bourgeois. Si l’héroïne, Evelyn, « qui semblait le parangon des vertus domestiques avec, de surcroît, tout le chic de “Vogue” et toutes les passions de Shakespeare », n’est pas femme à se moquer des apparences sociales, il en est tout autrement du personnage féminin de Laurie Colwin, qui s’en soucie comme d’une guigne. Dans ce chef-d’œuvre de minimalisme et de drôlerie, se focalisant sur les fêlures et les détails, Joséphine, dite Billy, et Frank, tombent amoureux l’un de l’autre. Seule complication : ces deux êtres dissemblables sont tous deux mariés ! Cet extraordinaire laboratoire de fiction amoureuse, par un auteur culte outre-Atlantique, disparue précocement, a déjà séduit toute une communauté d’inconditionnels, dont je fais d’ailleurs partie depuis que j’ai achevé de lire cette chronique douce-amère, pleine d’espièglerie !

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