Littérature étrangère

Claire Kilroy

Affaires et damnations

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Chronique de Béatrice Putégnat

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Féroce et réjouissant ! Claire Kilroy décrit une Irlande en proie à l’affairisme crapuleux et diabolique. Le dindon de la farce : Tristam St Lawrence, rejeton alcoolique à l’esprit embrumé du nobliau local.

Après des années d’absence et d’abstinence, Tristam St Lawrence revient en Irlande. Ce fils de famille, déclaré mort par erreur, revient sur les lieux de sa jeunesse. « Main de dieu ou fait du diable » ? Un enchaînement de circonstances désopilantes l’oblige à renouer avec Howth, son fief, et ses fréquentations d’antan. En tout cas, c’est l’explication qu’il avance lors de sa déposition au procès qui ponctue le roman. Audience après audience, Tristam témoigne, se défend, dénonce. Alors, accusé ou simple témoin ? Nous ne le saurons qu’à la fin. Affaires et damnations est une satire réjouissante du boom immobilier dans une Irlande livrée aux promoteurs et au système bancaire mondial manipulés par… le diable en personne ! Au milieu de cet imbroglio crapuleux, Tristam St Lawrence lutte contre ses propres démons. En première ligne, un alcoolisme jugulé par les réunions des Alcooliques Anonymes et l’influence d’un étrange et invisible M. Dumont qui le chaperonne. Tristam ne fait jamais les bons choix, n’a jamais les bonnes fréquentations. Il glisse imperceptiblement et inexorablement sur la pente de l’incohérence. Sa vie commence à ressembler à un grand n’importe quoi. Tristam est un anti-héros aux mains pleines qui se trouve compromis dans l’arnaque du siècle. À force de tirer le diable par la queue, ce dernier s’immisce de plus en plus dans sa vie. Réalité ou fantasmagorie ? Le diable n’est jamais bien loin dans l’Irlande d’aujourd’hui. Cette comédie sombre et fantastique rappelle Le Maître et Marguerite de Boulgakov. Quand le démon a des accointances avec le pouvoir, la richesse, les mafieux de tous crins, le chaos n’est plus très loin. La faillite d’un pays qui vend son âme aux promoteurs, aux banquiers, aux petites frappes et aux édiles corrompus distille forcément quelques miasmes…

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