Polar

Claude Izner

Les Souliers bruns du quai Voltaire

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photo libraire

Chronique de

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Commencées en 2003 avec Mystère rue des Saints-Pères , les enquêtes de Victor Legris, aujourd’hui traduites dans huit langues, sont chaque fois de beaux succès de librairie. Une recette efficace concoctée par deux sœurs aussi habiles dans l’art du polar que dans la peinture du Paris de la fin du XIXe siècle.

Pour faire une bonne série policière, il faut de bons personnages, une bonne intrigue et de bonnes idées. Liliane Korb et Laurence Lefèvre, les deux sœurs qui se cachent derrière le pseudonyme de Claude Izner, n’en ont jamais manqué depuis la première enquête de Victor Legris, libraire de la rue des Saints-Pères, plongé malgré lui dans des affaires de meurtres au sein du sombre Paris des années 1890. Après avoir traversé la décennie au rythme de l’Exposition Universelle, des révoltes anarchistes et des affaires de mœurs du Moulin Rouge, Claude Izner plante le décor de cette dixième enquête en 1898, dans un Paris profondément secoué et divisé par l’Affaire Dreyfus. Zola écrit son « J’accuse ! », les quais de Seine se passionnent, les familles se déchirent, et Victor Legris est le premier à en être ébranlé. En plein scandale politique éclate une série de meurtres mystérieux qui frappent exclusivement les bouquinistes du quai Voltaire, possesseurs d’une brochure étonnamment précieuse. Au milieu des manuscrits de toutes sortes et de toutes valeurs, qu’a-t-elle de si spécial ? Notons ici le clin d’œil des auteurs au métier de bouquiniste… Particulièrement touchés par cette affaire, Victor Legris et son ami et collègue Joseph Pignont suivent les traces de ces « souliers bruns » qui terrorisent la ville, en quête d’une piste fiable. Ils tenteront de cacher à leurs femmes respectives qu’ils sont plongés au cœur de cette tourmente, mais elles découvriront vite le pot aux roses et seront elles-mêmes mêlées à cette sombre histoire. Comme à chaque fois, l’atmosphère du roman est primordiale. Le charme suranné, presque démodé de l’écriture et des dialogues, est pour beaucoup dans le plaisir que l’on prend à lire cette série. On retrouve dans les romans de Claude Izner le plaisir des feuilletonistes du XIXe siècle grâce à l’humour et la malice des deux sœurs. Nous sommes plongés dans le Paris de la fin du XIXe siècle, le pays gronde des échos politiques, la ville et les quais de Seine bruissent d’une constante agitation. Pas si différent d’aujourd’hui, finalement, sauf que c’est un Paris populaire et savoureux qui y est décrit. Le fonds sur lequel s’inscrit l’intrigue est tout aussi important que l’enquête elle-même, et chacun des personnages est représentatif d’une classe sociale de l’époque. Pas étonnant que les aventures du Parisien Victor Legris aient fait le tour du monde !

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