Littérature française
Paul Kawczak
Le Bonheur

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Paul Kawczak
Le Bonheur
La Peuplade
14/08/2025
384 pages, 23 €
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Chronique de
Jean-Baptiste Hamelin
Librairie Le Carnet à spirales (Charlieu) - ❤ Lu et conseillé par 13 libraire(s)

✒ Jean-Baptiste Hamelin
(Librairie Le Carnet à spirales, Charlieu)
En 2020, Ténèbres avait annoncé l’apparition d’un grand auteur libre de toutes contraintes narratives, comme débarrassé des contingences économiques. Geste littéraire et éditorial, Le Bonheur est monumental.
1942. Besançon. Regard qui tourne autour de la cité bizontine, sa forteresse, sa géographie, son relief, son histoire. Dès les premières pages, la précision du propos, le temps long de la narration, le choix précis de la langue déconcertent le lecteur. Différent. Ce roman est différent. Perception immédiate de cette langue à nulle autre commune. 1942. Trois enfants se terrent dans une grotte. Trois petites ombres écrasées par le poids de la guerre, le cynisme de l’adulte et la folie d’un homme, d’un monstre sans visage, le SS-Sturmbannführer Peter Pannus, qui leur prête, à ces gosses sans défense, des pouvoirs magiques ! Folie que l’esprit de cet être sans émotions, image du régime fasciste, de la pensée totalitaire. Fable ou conte, qu’importe, Paul Kawczak, avec force et intelligence, brise les résistances, démontre avec ironie, facétie, cruauté, la bêtise de ce régime, d’un régime, de la perte de liberté de penser quand l’enclume totalitaire s’abat impitoyablement sur l’humanité. Et de la force de celle-ci quand elle conjugue courage et solidarité. À méditer en ce XXIe siècle. Au fil des pages, des digressions, des emportements, de passages que vous adorerez haïr et d’autres qui vous combleront, Le Bonheur, énigmatique titre, se permet tout. Mais toujours dans différentes formes narratives, dans les nombreuses histoires ici racontées, dans chacun des personnages rencontrés, avec le souci du sens. Qu’importe la forme pourvu que le sens soit intelligible, pertinent. C’est de la littérature totale, de celle qui engage fortement le lecteur secoué par le texte, bouleversé par le propos, étonné par la construction, désabusé parfois, rendant les armes aussi devant une telle déferlante, mais reprenant toujours, absolument persuadé d’avoir, en ses mains, un grand texte. Ne pas en dire plus. Lire comme un acte de résistance.