Littérature étrangère

Sergio Alvarez

35 morts

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Chronique de Jean-Baptiste Hamelin

Librairie Le Carnet à spirales (Charlieu)

Fruit de dix années de travail d’écriture et de recherches, 35 morts est un hallucinant tableau de la Colombie de ces quatre dernières décennies. Ce livre est une grenade, une grenade que l’auteur dégoupille page après page et qui dynamite les codes littéraires en déversant son flot de sentiments, de violence et de haine. Dès les premiers mots, le style happe. La Colombie décrite par l’auteur est aux prises des trafiquants de drogue, des politiciens véreux, des milices paramilitaires d’extrême droite et des guérillas marxisantes. Pas une de ces franges viciées qui ont fait main basse sur le pays ne se préoccupe du bien-être et des attentes de la population. Dès lors, comment s’en sortir autrement qu’en recourant à sa propre violence, l’investissant d’un degré supplémentaire à celle de son voisin, de son ennemi ? Quelle porte de sortie emprunter ? Vers quelle voie de secours se précipiter lorsque tout semble échapper au droit ? Le protagoniste ne possède rien du héros. Il est la proie d’une poisse obstinée, il est sympathique mais totalement désarmé face aux situations qu’il doit affronter. Il est, en plus, un peu fleur bleue dans un pays où l’amoureux n’a pas même le temps de savourer le deuxième pétale de la fleur qu’il est parvenu à cueillir. Refermer ce roman est comme un soulagement, reprendre pied avec notre paisible réalité et s’extraire du chaos colombien soulage, permet de reprendre son souffle… Ce que dépeint l’auteur semble irréel et dantesque. Et pourtant, ce torrent littéraire exceptionnellement puissant s’appuie sur des faits avérés, connus des politiques, des médias et parfois du grand public. Une grenade dégoupillée, mille armes chargées et une armée aux abois, voilà ce qu’est 35 morts. Un feu d’artifice d’une violence inouïe, qui s’invite jusque dans les rapports amoureux, le tout servi par un débit façon mitraillette qui atteint le lecteur au cœur, aux membres, au cerveau, au foie et à l’âme. Du grand art tout simplement.

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