Littérature étrangère

John Boyne

Les Fureurs invisibles du cœur

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Chronique de Jean-François Delapré

Librairie Saint-Christophe (Lesneven)

Si vous avez l’envie d’ouvrir ce livre, de lire les trois premières pages, alors plus rien ne comptera dans votre vie durant les 500 autres. Cyril Avery va devenir votre ami, votre amant, votre confident et surtout, le compagnon de voyage des soixante-dix dernières années.

Naître d’une fille-mère en 1945 dans le Comté de Cork, Irlande, être recueilli par une famille bourgeoise de Dublin qui ne vous reconnaît que comme un meuble de plus dans la maison, découvrir son homosexualité dans une république théocratique, vivre, aimer, rire, changer de pays, aimer encore plus, traverser les océans et continuer d’aimer, affronter les premières années du SIDA, mais surtout toujours aimer la vie, les gens, c’est tout ce que Cyril Avery va nous raconter dans ce roman monde, éclatant de bonté et d’humour, d’émotion tendre et de violences sourdes.

 

PAGE - Votre roman s’ouvre par une scène d’anthologie. Nous sommes en 1945, près de Cork, dans le Sud de l’Irlande, et le père James Monroe va répudier Kitty Goggin, car elle n’est qu’une adolescente enceinte dans cette Irlande théocratique. Est-ce dans cette « Honte » qui est le titre de cette partie du livre que vous avez puisé la force narrative de ce premier chapitre ?
John Boyne - Oui, puisqu’il s’étend sur soixante-dix ans de l’Histoire de l’Irlande, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale jusqu’à un peu après la légalisation du mariage homosexuel en 2015. On voit le pays changer en profondeur et devenir une nation où le sentiment de honte ressenti par les personnes différentes devient fierté. Cependant, je ne voulais pas que le roman devienne un livre d’Histoire et il était important pour moi que les personnages et leur propre histoire soient au centre de tout. Mais le processus d’écriture a été complexe car chaque chapitre voit Cyril, le narrateur, à un nouvel âge de sa vie (sept ans entre chaque). Il devait donc être différent tout en restant le même ! Différent, car il devait avoir évolué depuis les sept dernières années, mais le même dans le sens où on devait toujours être capable de reconnaître sa voix. J’ai pris énormément de plaisir à l’écrire, car pour la première fois de ma carrière, j’ai utilisé l’humour, et une fois que les blagues ont commencé à prendre forme sur la page, je ne pouvais plus m’arrêter.

P. - Kitty Goggin va accoucher de Cyril qui sera placé dans une famille bourgeoise où le père l’a prévenu : « Tu ne seras jamais un Avery ». En fait, il n’est qu’un meuble qu’on déplace, au gré du temps. Est-ce encore en raison de cette éducation irlandaise de l’époque ?
J. B. - Je voulais que Cyril représente l’Irlande elle-même plus qu’il ne me représente moi, une façon de vivre ou même le système éducatif de l’époque. Dans la première moitié du roman, de 1945 à 1973, Cyril a peur de sa sexualité, du sexe, et même de n’importe quelle forme d’intimité. Même s’il n’est pas croyant ou religieux, il fait partie d’une société qui place l’Église au cœur de toutes les décisions personnelles et où l’éducation n’intervient que dans un second temps. Dans la deuxième moitié, de 1980 à 2015, il est enfin fier de qui il est et n’a plus peur. Car même si Cyril est homosexuel, pendant toute sa jeunesse, il est terrifié de cela et des conséquences que cela pourrait avoir si quelqu’un le découvrait. Il se ment à lui-même, il ment à ses amis, il ment même à la femme qu’il souhaite épouser. Mais en fin de compte il commence à changer, à accepter la personne qu’il est. Tout comme l’Irlande elle-même qui a évolué vers le mieux au fil des années.

P. - Le livre va couvrir soixante-dix ans de la vie de Cyril, traversera l’Atlantique, fera se rencontrer la petite histoire avec la grande. N’est-ce pas alors LE livre sur l’Irlande et son évolution de la Seconde Guerre mondiale à nos jours ?
J. B. - La plupart des écrivains irlandais écrivent sur l’Irlande et j’ai toujours dit que je ne le ferais pas tant que je n’aurais pas une histoire à raconter. Je pense que j’ai atteint un stade de ma carrière et de ma vie où je me sens assez confiant et légitime pour écrire sur mon pays et aussi sur des choses qui me sont arrivées dans la vraie vie. Beaucoup de ce qui est raconté, ces « fureurs invisibles du cœur », viennent de ma propre expérience, alors qu’auparavant j’avais tendance à la laisser de côté dans mes histoires. Je ne sais donc pas si c’est LE roman sur l’évolution de l’Irlande, mais j’espère en tout cas qu’il contribuera à agrandir le corpus littéraire écrit sur le sujet.

P. - C’est aussi un roman extrêmement drôle et je pense que c’était indispensable pour apaiser les moments graves et douloureux de la narration. Est-ce donc vrai que « l’humour est la politesse du désespoir » ?
J. B. - Puisque le roman est plutôt long, j’avais le sentiment qu’il ne pouvait pas baigner dans le malheur et j’ai donc décidé de faire de Cyril un personnage optimiste, plutôt que quelqu’un qui se morfond perpétuellement. La vie lui met des bâtons dans les roues mais il continue à sourire et à avancer. J’ai également décidé d’utiliser ses parents adoptifs, Charles et Maude Avery, comme créations comiques et excentriques qui pourraient amuser le lecteur. Tout le monde pense que Maude est inspirée d’une personne réelle mais non, elle est un pur produit de mon imagination ! Je n’avais jamais écrit de roman comique auparavant et je pense qu’il était important que celui-ci le soit. Quand j’ai commencé le deuxième chapitre, qui a lieu en 1952, et que j’ai présenté les parents adoptifs de Cyril, c’est devenu la chose la plus colorée et humoristique que je n’aie jamais écrite !

 

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26 août, \"LA FORET DES LIVRES / Les écrivains chez Gonzague\"
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Du 14-sept. au 16-sept.-2018, au Salon \"LIVRES DANS LA BOUCLE (BESANCON)\"
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