Littérature française

Jean-Baptiste Andrea

Cent millions d’années et un jour

illustration

Chronique de Jean-François Delapré

Librairie Saint-Christophe (Lesneven)

Que sommes-nous capables de faire pour poursuivre un rêve, une quête et, surtout, jusqu’où ? Dans ce roman vertigineux, l’auteur nous emporte sur le rebord d’un monde d’à-pics et d’effrois.

Nous sommes en 1954 et Stan, paléontologue, va partir avec Umberto et Peter, deux autres scientifiques, à la recherche d’un dinosaure qui serait enfoui dans un glacier entre la France et l’Italie. Mais tout est vague, l’endroit, le glacier, qui, quoi, comment… Le roman se divise en saisons. Tout d’abord l’été, la mise en place, l’ascension, la découverte des hommes, la vie en commun, la croyance dans la version de cet enfant qui dit l’avoir vu, pris dans la glace. « Si nous ne sommes pas capables de croire à une histoire juste parce qu’elle est belle, à quoi bon faire ce métier ? », se demande Peter. Le temps passe, arrive l’automne et les désillusions. Aucune trace de ce foutu dinosaure. Les hommes perdent patience, qui sait même foi dans leur quête. Le glacier a dérivé, les colères grondent, les amitiés s’égarent. Jusqu’à la découverte de la grotte, mais est-ce la vraie grotte ? Les hommes attaquent la glace au piolet, mais la nature est parfois plus forte que le plus dur des métaux. Cela n’avance pas. Trente centimètres en trois jours. Il va falloir redescendre, bientôt le froid va reprendre sa place, la vie ici ne sera plus qu’une chimère. Jean-Baptiste Andrea bâtit un huis clos implacable entre la montagne, le glacier, la folie des hommes, dans une langue éblouissante de rudesse, où chaque pas de plus vers le rêve est un pas de plus vers le non-retour. Viendra l’hiver, Stan ne veut pas renoncer, ce glacier est son mythe de Sisyphe. Viendra aussi le printemps que je vous invite à découvrir dans ce roman d’une puissance rare, un coup de poing, une invitation pour chacun de nous à tester ses limites dans cette tragédie grecque des temps modernes. Après Ma Reine (L’Iconoclaste et Folio), Jean-Baptiste Andrea confirme ici toute la force de son écriture.

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