Littérature étrangère

Howard Jacobson

La Grande Ménagerie

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photo libraire

Chronique de Marc Rauscher

Librairie Majuscule-Birmann (Thonon-les-Bains)

Dans son nouveau roman, Howard Jacobson, que la presse surnomme le Philip Roth anglais, promène un regard cynique et désabusé sur l’avenir de la lecture et de l’écriture à l’ère de la crise de l’édition. Et il le fait avec un humour salvateur.

Issu de la bourgeoisie juive provinciale, Guy Ableman a réussi à s’extraire du giron familial – où, n’était son penchant pour la littérature (que sa mère désapprouve), il aurait pu reprendre le magasin de prêt à porter féminin tenu par les siens – pour devenir écrivain. Son premier roman lui a permis d’acquérir un certain succès, de toujours figurer au catalogue de son éditeur et d’être invité dans divers salons et clubs de lecture. Son inspiration, c’est à son épouse Vanessa et sa belle-mère Poppy – deux rousses flamboyantes – qu’il l’attribue, tant ce tandem de dames séduisantes et fantasques occupe toutes ses pensées. Là où le bât blesse, c’est qu’il est tellement pris par ses tergiversations sur son envie de déclarer sa flamme à la ravissante Poppy – alors qu’il aime sincèrement Vanessa –, qu’il se retrouve incapable d’écrire une seule ligne et qu’il sombre dans la mélancolie. Son spleen le conduit à se pencher sur la situation critique du monde de l’édition où, sous des dehors conviviaux, les écrivains se jalousent, les agents se montrent d’une hypocrisie rare, les éditeurs, lorsqu’ils ne se suicident pas, sont obnubilés par les lois du marché aux dépends des livres de qualité, et les lecteurs eux-mêmes sont en voie d’extinction. Lorsque Vanessa entreprend de se lancer elle aussi dans l’écriture d’un livre, Guy, prit d’un sursaut d’orgueil, se décide à trouver le sujet de ce qui sera son grand roman. Avec une galerie de personnages tous plus déjantés les uns que les autres, la relation tumultueuse entre Guy et Vanessa et le portrait au vitriol du milieu intellectuel anglais, Howard Jacobson propose un roman jubilatoire à l’humour grinçant et typiquement british, où il rend un vibrant hommage à la littérature et aux femmes fatales.

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