Littérature étrangère

Jonathan Coe

Désaccords imparfaits

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Chronique de Marie Hirigoyen

Librairie Hirigoyen (Bayonne)

En imaginant les pérégrinations aléatoires et drolatiques d’un Anglais très moyen, Jonathan Coe − dont on peut lire les nouvelles dans un recueil qui paraît chez Gallimard − fait étinceler son humour ravageur à travers une satire sociale de notre société postmoderne. Désenchanté et irrésistible.

Une fois de plus Jonathan Coe réussit à nous étonner. Avec son talent de raconteur d’histoire il nous embarque dans la vie de Maxwell Sim, 48 ans. Domicilié à Watford, Angleterre, commercial dans le domaine innovant des brosses à dents écologiques, il cultive la banalité au quotidien. Timoré, indécis, sans ambition, il vient d’être abandonné par sa femme et sa fille « en l’état d’ermite involontaire ». Même s’il compte plus de soixante-dix amis sur Facebook, Max conjugue la solitude à tous les temps ! Débarquant à Sidney où il va tenter de renouer avec son père, il est tout à coup fasciné par la tranquille complicité d’une Chinoise et de sa fille dînant dans un restaurant. Cette sérénité entraperçue agira comme un déclic inconscient et inversera la spirale de l’échec. Vont se succéder alors en cascade d’improbables rencontres : un homme d’affaires, qui meurt brutalement (d’ennui) après avoir entendu le récit de sa vie dans l’Angleterre profonde, une « facilitatrice d’adultères » qui enregistre les bruits d’aéroports lointains pour ses clients… Max est ensuite envoyé aux Îles Shetland par sa société pour une mission présentée comme une croisade au service de l’hygiène bucco-dentaire du futur. Une quête du Graal qui vire à la sauce Monty Python. De Starbucks en pauses panini tomate-mozzarella, il progresse vers le Nord, de plus en plus déprimé. Drame du VRP seul au volant, il tombe amoureux de la voix sensuelle de son GPS, seule confidente de ses souvenirs d’enfance et de ses réflexions sur sa vie de couple. Peu à peu, en remontant dans son passé familial, il trouve la clé, la terrible révélation de son inadaptation au monde et de ses difficultés relationnelles. Jusqu’à ce qu’il parvienne à s’accepter lui-même. Coe met le doigt sur tous les leurres d’une société de l’hyper-communication : la finance virtuelle, la grandiloquence trompeuse du marketing, la précarité de l’emploi, la mondialisation qui semble abolir les distances, l’uniformisation des modes de vie et l’imposture médiatique. 

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