Littérature française

Nina Bouraoui

Otages

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Chronique de Nathalie Iris

Librairie Mots en marge (La Garenne-Colombes)

La révolte désespérée d’une femme sournoisement opprimée. Un très court texte foudroyant de réalité qui dénonce l’implacabilité de notre société et en particulier du monde du travail.

L’héroïne du livre s’appelle Sylvie Meyer, elle a 53 ans, deux enfants, est séparée, travaille à la Cagex, une entreprise de caoutchouc. Sylvie Meyer n’est ni belle ni moche, elle n’a en apparence ni passion ni envie. On pourrait dire que c’est une femme sans histoires, banale. Mais la banalité cache souvent une réalité beaucoup plus âpre. Sylvie Meyer souffre beaucoup, mais en silence. Son ex-mari était un abruti qui ne la respectait pas mais qu’elle croit encore aimer. Son patron est d’un paternalisme insultant mais elle le supporte tous les jours sans rien dire. Il lui a même demandé, il y a quelques semaines, d’établir une liste du personnel en fonction de leur implication dans l’entreprise, en lui signalant qu’il virera les moins performants. Sylvie a toujours été docile, elle commence à « faire le travail » demandé par son patron. Mais peu à peu, la coupe de la docilité se remplit, jusqu’à, un jour, déborder. Sylvie décide d’agir, dans un acte désespéré qui la mènera à sa propre perte. Ce très court roman est implacable. Il dénonce la violence d’un monde qui, petit à petit, étouffe les plus faibles sans états d’âme. Il pose la question du pot de terre contre le pot de fer. Le lecteur pourra y voir une fable de la réalité qui nous pousse à réfléchir sur nos actions et celles des personnes qui nous entourent. Jusqu’à quel point peut-on se laisser faire ? Pouvons-nous agir envers nous-mêmes et envers les autres avant qu’il ne soit trop tard ? À quel moment se rend-on compte qu’une situation est anormale ? Ce texte, d’abord écrit sous forme de pièce de théâtre, devrait être lu par toutes les générations car il aide à comprendre notre société et, peut-être, à modifier nos comportements ou dénoncer les comportements abusifs que l’on peut être amené à constater.

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