Littérature française

Fabrice Humbert

Un père fuyant la guerre

Entretien par Nathalie Iris

(Librairie Mots en marge, La Garenne-Colombes)

Un des livres très forts de cette rentrée littéraire, par le thème comme par l’écriture. Fabrice Humbert confirme son talent d’écrivain hors pair en abordant le sujet grave d’une société en plein chaos, à travers la relation d’un père et de ses enfants.

De l’autre côté de la vie est une sorte de dystopie : c’est l’histoire d’un père qui fuit Paris en voiture avec ses deux enfants. Pourquoi fuient-ils ?

Fabrice Humbert Paris est menacé par les flammes, une guerre civile est en train d’éclater.

 

Ce livre est-il une sorte de road trip de la dernière chance ?

F. H. Oui, sans doute. Ce père, tel Ulysse, part et sera confronté à des dangers et des bonheurs. Dans ce sens, on peut parler de road trip.

 

Qu’est-ce qui vous a amené à vouloir aborder ce sujet ?

F. H. La violence a été de manière inconsciente un thème récurrent de mes livres mais il s’agit surtout pour moi de réfléchir aux conditions de l’expression de la violence et comment l’éviter.

 

Votre livre se passe dans un univers cataclysmique. Il est pourtant rempli d’amour, notamment d’amour paternel.

F. H. Effectivement, je n’ai pas voulu écrire un livre sombre. Il y a la lumière de l’amour paternel et aussi la recherche par le père de moments d’harmonie qu’il trouvera dans la nature avec ses enfants et un personnage qui va se greffer sur le petit groupe, Abraham. Abraham est pour moi la figure la plus lumineuse. Il est le symbole de toute cette générosité et de cette volonté d’éviter la violence, de la contourner, de la surmonter, de trouver une solution.

 

Ce père en fuite va rencontrer des bons, des méchants. Est-ce une manière de dresser le tableau de ce qu’est l’humanité et notamment l’humanité confrontée au danger ?

F. H. Bien sûr ce thème est présent mais ce livre parle aussi de notre pays. C’est quand même la France, avec ses paysages, ses beautés mais aussi ses divisions. La situation de notre pays apparaît clairement en filigrane à l’intérieur du texte.

 

Il faut dire que ce père fuit vers une destination précise, quelle est-elle ?

F. H. Il veut atteindre la « République du Jura ». Sa femme, qui a disparu, lui a dit que si les choses tournaient au pire, il y aurait la possibilité de se réfugier dans cette petite enclave. Elle avait senti les prémices du chaos et était persuadée que cette République subsisterait.

 

Parlez-nous des deux enfants qui sont finalement, même s’ils sont en arrière-plan, des personnages principaux à travers les yeux de leur père.

F. H. J’ai voulu, en dressant leur portrait, parler de l’enfance. Je connais bien les adolescents et maintenant les étudiants, grâce à mon métier. Je les vois grandir et devenir de plus en plus « normaux » si je puis dire, c’est-à-dire socialement insérés. Ce que j’aime dans l’enfance, c’est qu’il y a une sorte de lumière, de magie, quelque chose de très particulier. C’est un regard et une conduite différente que je trouve fascinants. Il y a comme une sorte de frontière entre le ressenti des enfants et celui des adultes. Finalement, si j’ai cherché quelque chose en écrivant ce livre, c’est vraiment cette lumière.

 

Pour en revenir au père, on a l’impression qu’il ne lâche rien, malgré toutes les épreuves qu’il traverse.

F. H. Oui, il est absolument déterminé car il est totalement inoffensif. Et même s’il est parfaitement démuni face à tout ce qui lui arrive, il n’abandonne jamais, justement parce qu’il a ses deux enfants. C’est ce qui le pousse jour après jour, même s’il n’y a apparemment plus d’espoir pour le pays. La question est aussi : comment protéger les enfants de tout ce qui les tourmente et de tout ce qui risque de créer de la violence en eux. C’est la violence des guerres qui transforme aussi les enfants en brutes et cela, le père veut absolument l’éviter.

 

Qu’y a-t-il « de l’autre côté de la vie » ?

F. H. C’est une phrase de Céline dans Voyage au bout de la nuit. C’est essayer de trouver cet Éden, cette innocence, tout ce qui est si dur à trouver, surtout en période de guerre, mais que l’on recherche, quoi qu’il arrive.

 

 

Dans son nouveau roman, Fabrice Humbert met en scène un père qui traverse la France à bord d’une voiture, emmenant avec lui ses deux enfants, dans un contexte de chaos total. Nous suivons son périple qui sera semé d’embûches mais aussi de rencontres très fortes, au cœur d’une France que l’on ne reconnaît plus. Arrivera-t-il à la destination qu’il s’est fixée ? Le personnage du père est extraordinaire dans son attachement à ses enfants et à sa volonté d’échapper au danger. Fabrice Humbert fait ressortir d’un thème en apparence sans espoir, une formidable lumière grâce à la beauté de ses personnages et à la virtuosité de son écriture.

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