Littérature française

Estelle-Sarah Bulle

D’ici et d’ailleurs

L'entretien par Nathalie Iris

Librairie Mots en marge (La Garenne-Colombes)

Le premier roman indispensable de la rentrée littéraire 2018 est celuid’une jeune femme sympathique et talentueuse. Rendez-vous entre la Guadeloupe et la métropole, entre les années 1960 et les années 2000, avec une galerie de personnages truculents et attachants.

Dans son premier roman, Estelle-Sarah Bulle met en scène une jeune Antillaise née en métropole dans les années 1970, qui recueille les propos de sa tante Antoine. Celle-ci est née en Guadeloupe, dans un village reculé, « là où les chiens aboient par la queue » (traduction littérale d’une expression créole qui signifie « trou perdu »). Antoine part de son village à l’âge de 16 ans, dans les années 1960, pour aller d’abord à Pointe-à-Pitre, puis en métropole. L’auteure dépeint la vie aux Antilles dans les années 1960 et aussi ce qu’elle appelle « l’immigration intérieure », ces Antillais qui ont quitté leur île pour s’aventurer en métropole. C’est un texte empli de sensibilité et de talent, non dénué d’humour, que nous livre ici Estelle-Sarah Bulle.

 

PAGE - Vous êtes née en 1974 à Créteil, d’un père guadeloupéen et d’une mère franco-belge. Vous avez baigné dans la culture antillaise mais avez grandi en métropole et vous vivez à Paris. Ma première question concerne le titre de votre roman : expliquez-nous !
Estelle-Sarah Bulle - C’est une expression créole qui signifie « habiter dans un trou perdu », tellement perdu que même les chiens n’ont pas un comportement habituel ! Comme mon roman se situe en Guadeloupe dans un endroit très reculé, j’ai trouvé que cette expression était parfaitement adaptée.

P. - Parlez-nous des personnages de ce roman.
E.-S. B. - On part d’une famille qui habite donc un trou perdu sans eau ni électricité, en Guadeloupe, dans les années 1940, au milieu des champs de canne à sucre. À 16 ans, la fille aînée, Antoine, décide de quitter cet endroit pour rallier Pointe-à-Pitre. Le lecteur va la suivre dans ses pérégrinations. En contrepoint, nous suivons la vie de son frère et de sa sœur qui vont eux aussi raconter leur histoire, depuis leur enfance jusqu’à leur arrivée en métropole dans les années 1960. En dernier lieu, la nièce de l’héroïne, qui est née en métropole dans les années 1970, va recueillir les paroles de toute la famille.

P. - Cette histoire est-elle celle de votre famille ?
E.-S. B. - Effectivement, très classiquement, je suis partie de choses que je connaissais intimement. Cela dit, le livre est tout de même très romancé. J’avais surtout envie de dresser un panorama plus vaste de ce qu’est que la Guadeloupe à l’ère contemporaine, des années 1940 à aujourd’hui. Que s’est-il passé pendant ces années-là, sachant qu’aujourd’hui, il y a autant d’Antillais en métropole qu’en Martinique et Guadeloupe réunies ? Je me suis penchée sur cette grande « émigration de l’intérieur ». J’ai voulu explorer quelles en ont été les conséquences pour la génération d’Antillais issue de cette « immigration intérieure » et nés en métropole.

P. - Est-ce une envie ou un besoin de raconter ?
E.-S. B. - C’est vrai qu’il y a une volonté de transmission, mais le besoin est surtout celui d’écrire, besoin que j’ai toujours éprouvé depuis que je suis petite. J’ai mis au service de mon besoin d’écrire ce que je connaissais le mieux. Pour commencer, un sujet avec lequel je suis à l’aise. J’espère que mon désir d’écrire va perdurer et que j’écrirai par la suite sur d’autres sujets.

P. - Pouvez-vous nous brosser rapidement le portrait d’Antoine, l’héroïne principale ?
E.-S. B. - Elle est à l’image de son prénom, un peu ambiguë. Elle est très belle, très attirante mais elle se fiche complètement de son apparence, elle n’est pas du tout dans les jeux de séduction classiques. Elle est très indépendante, ce qui est assez original dans les années 1940, qui plus est dans un coin aussi reculé que le village dans lequel elle vit. Elle a décidé de tracer sa route seule, d’avoir des histoires sentimentales plus ou moins quand cela lui convient. Elle a un caractère assez fort et vit dans un monde qui est le sien. Elle n’est pas toujours très rationnelle dans son rapport à la réalité mais elle s’en sort. C’est vraiment un portrait de femme volontaire que j’ai voulu brosser.

P. - C’est un livre que l’on ne lâche pas, qui donne envie de mieux connaître la Guadeloupe et les Guadeloupéens. Au-delà de l’histoire, c’est votre style qui tient le roman. Quelles sont vos sources d’inspiration littéraires ?
E.-S. B. - Je suis très contente que vous disiez que ce roman peut plaire en dehors de la Guadeloupe. C’est une histoire des origines et du voyage qui s’adresse à beaucoup de gens qui sont nés « là où les chiens aboient par la queue ». Pour en revenir au style, j’ai parsemé le récit d’expressions créoles mais je dois avouer que je ne parle pas cette langue. Mon père n’a pas souhaité me la transmettre car il voulait que je m’intègre le mieux possible à la métropole. J’ai toujours eu un sentiment paradoxal de proximité et de distance avec cette langue qui a toujours résonné à mes oreilles comme une musique. Le créole est une langue très riche, très imagée, très poétique, où l’on peut puiser à l’infini. J’ai donc pu m’amuser avec ce matériau sans le maîtriser complètement. En termes d’influences, Patrick Chamoiseau m’a beaucoup marquée.

 

Retrouvez l'auteure en librairie !

Jeudi 6 septembre Librest théâtre de la Bastille matinée bibliothèques et soirée publique
8 et 9 septembre Le Livre sur la place Nancy (librairie L’autre rive)
Mardi 11 septembre L’écume des pages Paris (soirée premiers romans)
Jeudi 13 septembre Librairie Parallèles Paris (lancement du livre)
Samedi 15 septembre Forum Fnac Blancs Manteaux
Dimanche 16 septembre Le livre dans la boucle Besançon (librairie L’Intranquille)
Jeudi 20 septembre Librairie La Suite Versailles
Samedi 22 septembre Librairie Saint Pierre Senlis
Jeudi 27 septembre Festival Les correspondances Manosque
Jeudi 4 octobre journée de lancement du festival Hors-Limites dans une bibliothèque du 93 +Librairie Passages à Lyon
Vendredi 5 octobre Librairie Le Square Grenoble
Samedi 13 octobre Librairie Michel Fontainebleau
Mardi 16 octobre Librairie Quai des brumes Strasbourg
Mardi 30 octobre Librairie Le Passeur de L’isle sur la Sorgue
Mercredi 31 octobre Librairie Sauts et gambades Dieulefit
Samedi 3 novembre Salon du livre de Trouville (librairie Brouillon de culture)
Mardi 6 novembre Librairie Mollat Bordeaux 18h
Mercredi 7 novembre Librairie Tonnet Pau
Vendredi 9 novembre Librairie Les jours heureux Rosny
Jeudi 15 novembre Librairie de L'hôtel de ville Bron
Vendredi 16 novembre Librairie Le Carnet à spirales Charlieu
Samedi 24 novembre \"Premier Salon du Premier Roman\", dans le cadre de la semaine des Livres et des Librairies avec L’écume des pages, Place Saint Sulpice
Dimanche 25 novembre Radio France fête le livre Paris (librairies Initiales)
Mercredi 28 novembre Librairie Mots et images Guingamp
Samedi 1er décembre Mots en marge La Garenne-Colombes ou Courbevoie matin
Mercredi 5 décembre Librairie Point de côté à Suresnes 20h
Samedi 8 décembre Librairie Le Pavé du Canal Montigny les Bretonneux
Mardi 12 décembre Librairie Coiffard Nantes dans le cadre du prix des lecteurs