Littérature étrangère

Nickolas Butler

Retour à Little Wing

  • Nickolas Butler
    Traduit de l’anglais (États-Unis) par Mireille Vignol
    Autrement
    20/08/2014
    448 p., 22 €
  • Chronique de Nathalie Iris
    Librairie Mots en marge (La Garenne-Colombes)
  • Lu & conseillé par
    60 libraire(s)
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Chronique de Nathalie Iris

Librairie Mots en marge (La Garenne-Colombes)

Nickolas Butler est un jeune écrivain américain. Il publie chez Autrement son premier roman, Retour à Little Wing, qui vient d’obtenir le prix Page/America, dans le cadre du Festival America qui s’est tenu à Vincennes mi-septembre et réunissait de nombreux écrivains confirmés, notamment Margaret Atwood, Richard Ford, Jim Fergus, Philipp Meyer ou encore Robert Goolrick. Une interview du lauréat s’imposait donc.

Page — Pouvez-vous nous raconter en quelques mots l’intrigue de Retour à Little Wing
Nickolas Butler — L’histoire se passe dans la région où j’habite, en Pennsylvanie, une région essentiellement rurale, dans une petite ville où les gens se connaissent tous. Quatre adolescents y ont grandi, ils y ont tissé une très forte amitié. Puis chacun est plus ou moins parti vivre son destin loin de sa ville natale. Lee a quitté les siens et a connu une gloire éphémère de rock star, Ronny est devenu le roi du rodéo, Hank est resté à la ferme familiale, avec Beth, la fille du groupe. Et voilà que cette petite bande se retrouve, quelques deux décennies plus tard, dans cette même petite ville, à l’occasion du mariage de l’un d’eux. Évidemment, ces retrouvailles vont remuer le passé ; elles seront également l’occasion de faire le point sur le présent…

P. — Au-delà de l’intrigue, quels thèmes avez-vous souhaité aborder ?
N. B. — Plusieurs thèmes me tiennent à cœur. Il y a d’abord le thème de l’amitié, qui est pour moi une donnée très importante de la vie. L’amitié avec tout ce qu’elle peut comporter, tout ce à quoi elle peut donner lieu, les engagements mais aussi parfois les secrets, les non-dits et le pardon. J’ai aussi voulu parler de l’attachement que l’on peut éprouver à l’égard de sa terre, cet endroit particulier de la planète où l’on est né et où l’on a ses racines. Il me semble que la terre natale est le socle de notre existence, presque une sorte de refuge.

P. — Dans ce roman, quelle est la part de fiction et quelle est celle de la réalité ?
N. B. — Je pourrais vous faire une réponse très courte : l’histoire et les personnages sont totalement sortis de mon imagination. Mais évidemment, ce n’est pas si simple. Il y a bien sûr une part de moi-même dans chacun des personnages, même si celui qui me ressemble le plus est Hank. Par exemple, Hank est fermier et je suis moi-même issu d’une famille de fermiers. Lee est musicien et, quelque part, la musique et l’écriture sont très liées, dans la mesure où ce sont des métiers de création – je sais combien il est difficile d’écrire et je pense que ces difficultés sont identiques dans l’exercice de la composition musicale. Concernant le décor, la ville que je décris n’existe pas, mais le paysage, lui, est bien réel. Je voulais montrer à mes lecteurs l’endroit du monde où je vis, ses paysages. J’en suis fier, j’aime cette contrée.

P. — Pour vous, le décor a autant d’importance que l’histoire et les personnages ?
N. B. — Oui. J’ai été très marqué par le livre de John Steinbeck À l’est d’Éden, justement parce qu’il y montre « son » Amérique. J’ai aussi beaucoup puisé l’inspiration dans les romans de Ken Kesey, dans la manière dont lui aussi parle de son pays.

P. — Que voudriez-vous que l’on retienne de l’Amérique telle que vous nous la présentez ?
N. B. — Vous savez, lorsque votre livre est publié, vous n’avez plus aucun contrôle sur ce que vous avez écrit et chacun y trouve quelque chose de différent. Mais j’aimerais que mes lecteurs aient, à travers la lecture de mon roman, une idée de l’Amérique autre que l’image qu’ils en ont, notamment par le biais des images de New York ou Los Angeles. L’Amérique, ce n’est pas que cela, c’est aussi la nature. Je voulais également montrer des gens simples, qui ne sont pas issus d’un milieu social huppé ou intellectuel. Des gens « normaux », en quelque sorte.

P. — Oui, c’est probablement aussi ce qui a touché Olivier Adam lorsqu’il a lu votre livre ! La réunion de ces personnages vingt ans plus tard fait éclater des secrets au grand jour, des trahisons, aussi…
N. B. — Effectivement. J’avais envie de raconter comment, lorsque la confiance est trahie, il est difficile de renouer ensuite. Il y a quelque chose de cassé, que peut-être seul l’amour ou l’amitié peuvent réparer. Mais c’est difficile.

P. — Comment avez-vous eu l’idée d’écrire ce roman ?
N. B. — Lorsque je suis parti à l’université faire mes études, ma famille et la Pennsylvanie me manquaient. Alors j’ai décidé d’écrire, une manière pour moi de me rapprocher d’eux. C’est un livre qui est avant tout venu avec des émotions, bien avant que j’aie eu l’idée de la trame de l’histoire. J’ai commencé à écrire à l’automne 2010 et j’ai terminé à l’automne 2012. Et puis tout s’est enchaîné. Aujourd’hui, je crois que je ne pourrais pas faire un autre métier que celui d’écrivain.

P. — Votre livre a été acheté dans plusieurs pays, il va être adapté au cinéma. Comment vivez-vous ce premier succès international ?
N. B. — Rien n’a vraiment changé dans ma vie quotidienne. Mais j’ai la sensation que le monde s’est ouvert à moi. Je suis donc très heureux. Je suis aussi très honoré d’avoir reçu le prix Page/America. Pour moi, qui n’étais encore jamais venu en France, c’est magique !

 

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