Littérature française

Jean-Luc Seigle

Femme à la mobylette

illustration

Chronique de Isabelle Theillet

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Après Je vous écris dans le noir (J’ai Lu) qui réhabilitait Pauline Dubuisson, Jean-Luc Seigle nous revient avec un merveilleux portrait de femme traité à la manière des grands peintres anciens. Un coup de maître assurément !

Depuis ma découverte d’En vieillissant les hommes pleurent (J’ai Lu), je suis devenue une inconditionnelle de Jean-Luc Seigle. Avec ce nouveau roman que je n’arrive pas à dater (c’est aussi ce qui en fait sa force et son intemporalité, en dehors de la mobylette), l’auteur entre à nouveau dans la tête et la psychologie d’une femme avec une facilité et une justesse déconcertantes. Cette nuit-là, Reine qui approche de la quarantaine n’a pas pu dormir. Un couteau est sur la table de la cuisine. Ses trois enfants sont à l’étage et elle est incapable de se souvenir si elle les a assassinés cette nuit. Toute cette histoire commence très mal. Voilà une femme en perdition qui n’a plus de travail et dont le mari est parti vivre avec une autre dans le sud de la France, le dit-mari n’ayant qu’une idée en tête : récupérer ses enfants car Reine ne peut pas s’en occuper correctement et subvenir à leurs besoins. Reine descend d’une lignée de femmes : c’est sa grand-mère Edmonde la communiste qui l’a élevée après la mort de sa mère par overdose. Reine est une personne très sensible mais un peu instable. Elle est seule et personne ne la soutient. Un jour, prenant son courage à deux mains, elle se met à nettoyer le jardin qui finissait par ressembler à un dépotoir. Et là, miracle, sous le bazar accumulé, elle trouve une mobylette. Un moyen de locomotion qui va lui permettre de reprendre un travail qu’elle convoitait mais qui était trop loin de chez elle. Je ne peux pas vous en dire plus. Il ne faudra surtout pas oublier de lire l’annexe à la fin du roman intitulée « À la recherche du sixième continent, de Lamartine à Ellis Island » qui apporte beaucoup sur l’auteur et sa vision de la société actuelle. Ce livre est absolument magnifique et Jean-Luc Seigle est un magicien.

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