Littérature française

Léonor de Récondo

Pietra Viva

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photo libraire

Chronique de Coline Hugel

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Sous la très belle plume de Léonor de Récondo, Michel-Ange et ses œuvres prennent vie le temps d’un cheminement intérieur et nous émeuvent par leur sensibilité et leur délicatesse. Aux côtés de l’artiste, au gré du chant de la pierre, le lecteur évolue au sein des carrières de marbre et se laisse envelopper par la douce chaleur du village de Carrare.

Nous sommes en 1505 et Michelangelo a déjà une belle carrière derrière lui. Appelé par le pape Jules II à réaliser son tombeau, il exerce son œil d’artiste et sa connaissance du corps humain en disséquant des cadavres dans un couvent. « Andrea, tu es la beauté à l’état pur. La perfection des traits, l’harmonie des muscles et des os. » La découverte du corps du moine Andrea trouble Michelangelo au point de l’obliger à fuir. C’est à Carrare, dans les carrières de marbre, qu’il trouve refuge, au milieu de cette pierre vivante qu’il admire tellement. Les quelque temps qu’il y passera changeront pour toujours sa perception des choses. Rarement plus bel hommage à l’artiste aura été rendu. En choisissant de raconter un moment de la vie de Michelangelo, Léonor de Récondo met à l’honneur ceux qui créent, ceux qui nous font rêver, ceux qui nous bouleversent. Le rapport charnel qu’entretient le sculpteur avec la pierre, l’espèce d’illumination dont il est saisit lorsqu’il « voit » l’œuvre future dans un bloc de marbre… tous ces instants, qui composent l’acte de création, nous font vivre l’expérience magique qu’est l’art. Un très grand livre.

 

Page — En 2010 paraissait un livre particulièrement remarqué, Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants (Babel, 2013) de Mathias Énard, qui raconte un épisode romancé de la vie de Michel-Ange. Léonor de Récondo, vous avez choisi de vous intéresser à un moment de la vie de l’artiste italien antérieur aux épisodes rapportés dans son livre par Mathias Énard…
Léonor de Récondo — C’est vrai. Il y a un avant, il y a aussi un après. Michel-Ange a vécu 90 ans, la matière abonde pour qui veut explorer l’existence de cet artiste complet, l’un des plus grands génies de l’humanité – il existe d’ailleurs une multitude d’ouvrages qui lui ont été consacrés. Je me suis concentrée sur six mois de sa vie. En 1505, à 30 ans, Michel-Ange est déjà un sculpteur à la réputation bien assise. Il n’est pas encore la légende vivante qu’il est destiné à devenir, mais sa Piéta, à Rome, comme son David, lui ont permis de se forger une notoriété déjà solide. Au moment où commence le livre, il vit et travaille à Florence. Jules II, le nouveau pape vient d’être élu et il émet le souhait, pour asseoir son pouvoir autant que pour marquer son règne, de s’entourer des meilleurs artistes de son temps. Michel-Ange pouvant déjà prétendre à ce titre, il est convié à Rome auprès du nouveau souverain pontife, lequel ne sait pas alors encore très bien ce qu’il envisage de commander à l’artiste. Pour tromper l’ennui, Michel-Ange reprend des travaux de dissection longtemps interrompus qu’il pratique dans la morgue d’un couvent romain. Puis le pape finit par lui commander la réalisation de son tombeau, tâche qui l’occupera trois décennies durant. Michel-Ange part alors prospecter la matière de son futur chef-d’œuvre dans les carrières de marbre de Carrare, où il s’était déjà rendu pour choisir la pierre de sa Piéta. Il s’absente de Rome pendant six mois, au cours desquels va se dérouler un épisode extrêmement marquant, déterminant de sa vie. Tel est le contexte de mon roman. Je me suis intéressée à cette période historiquement avérée et cependant relativement mystérieuse en regard du reste de sa biographie. D’un point de vue romanesque, évidemment, cette documentation fragmentaire est une bénédiction. […]

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