Littérature étrangère

Jim Dodge

Not Fade Away

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photo libraire

Chronique de Coline Hugel

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Voici le récit halluciné d’une folle expédition au long des routes américaines sur une bande-son bien rock, en compagnie de personnages plus truculents et gavés aux amphétamines les uns que les autres. Bienvenue chez Jim Dodge !

Imaginez : vous avez chopé la grippe « gueuleton », vous devez livrer cent stères de bois à un paquet de kilomètres, votre camionnette a du mal à démarrer, il pleut, vous avez super mal au crâne, et là, un cerf a la bonne idée de traverser la route juste devant vous ! Pour l’éviter, un gros coup de frein, un bon dérapage et votre camionnette finit encastrée dans une souche de séquoia, tandis que votre tête cogne violemment le volant puis le canon de votre fusil qui traîne par-là. Sonné mais en meilleur état que votre camion, vous cherchez un dépanneur, en vain puisque tous sont occupés. Mouillé, malade, à moitié assommé et totalement désespéré, vous n’attendez plus qu’un miracle, quand… « Bon, bon, bon : la vie continue. » Voilà Georges, alias Le Fantôme, le sauveur, celui qui arrive même quand on ne l’a pas appelé ! Vous n’avez pas un rond pour le payer ? Pas bien grave, le remorquage est gratuit, il suffit juste de l’écouter débiter son histoire. De remorquages en arnaques à l’assurance, Georges se retrouve au volant d’une superbe Cadillac qu’il doit amocher pour que son propriétaire, bien assuré, touche l’argent de la prime. C’est toutefois sans compter les inclinations romantiques de l’énergumène, qui, fouillant incidemment dans la boîte à gant, découvre une lettre écrite par l’ancienne propriétaire de la voiture et adressée au seul homme qui l’ait jamais émue, un rockeur du nom de Big Bopper. Manque de bol, le fameux rockeur est mort dans un accident d’avion ! Georges décide alors de réaliser le souhait de la défunte amoureuse et d’aller brûler la Cadillac sur la tombe de Big Bopper. Une longue route l’attend, une quête semée de rencontres délirantes avec des personnages complètement frappés, afin de mettre la main sur la sépulture secrète du rockeur, prétextes pour Jim Dodge à nous offrir une vision à la fois hallucinée et lucide des États-Unis. Sur le rythme endiablé de standards du rock, le John Coltrane de la route accomplit son pèlerinage et expérimente la vie à la mode beatnik. « A love for real not fade away ! » (Un véritable amour ne se fane jamais !)

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